Jaz Karis, La Boule Noire, Paris, 2025
05.03.2025
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23-24 novembre 2023
« Plus d’amour, plus d’empathie ! », les mots de China Moses résonnent à travers la salle. Nous sommes au cœur de la capitale, elle vient de lancer la première édition de son Paris Soul Fest. Avec une volonté d’établir un lien entre la musique et celles et ceux qui l’aiment et la pratiquent. Concerts, DJ sets, conférence, projection de film (Wattstax), stand de vinyles (Blazing Music, disquaire de Saint-Ouen)… Un programme varié qui donne l’occasion à des collègues, des amis, des familles et des passionnés de se rencontrer dans une ambiance conviviale et riche en souvenirs, remplie d’humanité.
Jeudi 23
La première partie de soirée rassemble curieux et connaisseurs autour d’une conférence gratuite menée par Belkacem Meziane et JP Mano. Belkacem, saxophoniste, conférencier, auteur et membre de la rédaction de Soul Bag, nous ouvre les portes de son univers, en revenant sur son propre parcours de passionné. De même pour JP Mano, l’une des personnalités centrales de l’échiquier hip-hop soul funk parisien, collectionneur et directeur artistique. De beaux échanges et un partage de vécu en compagnie également de China Moses. On retrouve Mano le lendemain pour un set enjoué où il créé des ponts toujours pertinents : funk, soul, hip-hop et jazz s’enlacent et se répondent avec bonheur.
Mais ce soir c’est l’excellente Lyngo Lyngo aux platines. Deux sets pour nous présenter un savant mélange de morceaux antillais, américains et français généralement peu connu du grand public. Remarquable. Et à retrouver sur la radio Rince France tous les troisièmes lundis de chaque mois.
Place au groupe de Mathias Di Giusto (guitare), Pierre Gibbe (basse), Vincent Charrue (clavier) et Vincent Tortiller (batterie), présenté par Belkacem Meziane. Ce soir ils nous présentent un concept exclusif de “Soul Samplée” : ils commencent par jouer un morceau original avant d’embrayer sur l’un des samples les plus connus. Un jeu se créé entre le groupe et le public ainsi que Belkacem dans la peau d’un animateur. On y retrouve Labi Siffre et son imparable I got the (beaucoup sampleront le groove du début du morceau quand Dr. Dre piochera dans la deuxième partie pour le fameux My name is d’Eminem), Bobby Caldwell (Open your eyes, samplé par Common), I got a woman (Kanye West et Jamie Foxx)…
Dear Silas nous fait la surprise de les rejoindre sur scène pour un medley hip-hop, toujours sur la base de la soul samplée, en commençant par le Footsteps in the dark des très influents Isley Brothers et son utilisation dans le It was a good day d’Ice Cube. Suivent Notorious BIG, Bobby Caldwell, 2Pac, Aretha Franklin, Mos Def, The Charmels, Wu-Tang Clan… Piloté donc par un Dear Silas vibrant et enivrant.
Sly Johnson est accompagné sur scène par les talentueux Anthony Jambon (guitare) et Laurent Salzard (basse). Le chanteur-beatboxer fait aussi ses propres arrangements en enregistrant différentes pistes sur son looper. Il se confie sur comment il a vécu le confinement pour introduire son titre Bullshit, sur sa rencontre décisive avec JP Mano qui l’a guidé dans sa découverte de la soul, avant de calmer la salle pour partager et émouvoir avec Alive en hommage à son père décédé. Il interprète ensuite une chanson que son père affectionnait particulièrement, Georgia on my mind immortalisée par Ray Charles. Un moment fort qu’il achève les yeux humides sous l’acclamation d’un public empathique.
Vendredi 24
Le deuxième journée démarre fort avec la projection de Wattstax, le film emblématique de Mel Stuart dont Soul Bag vous parlait récemment dans son numéro 250. Aux platines, JP Mano nous fait ensuite vibrer avec un un beau mix de hip-hop soul.
Avec Khalil, Lucyl Cruz, Magda, Nalla, Mike Louvila, Shaby et Tommy, la Sankofa Soul Chorale présente ce soir un mélange de reprises et de chansons originales. Chacun(e) son tour s’embarque dans un solo en introduisant son histoire, laissant poindre une vulnérabilité touchante et un esprit de partage accentué par les harmonies vocales. Best part (Daniel Caesar et H.E.R.) par Magda, Une vie entière écrite et interprété par Shaby, Soul power chanté par Mike Louvila avec la participation du public, et puis Khalil qui nous laisse bouche bée après sa performance sur Love keeps evading you. Final réussi tous en chœur sur Living for the city.
China Moses conclut le festival en présentant son nouvel album en avant-première avec un concert qui s’inspire de sa culture afro-américaine, du jazz, de la soul et du blues. Elle parle de son héritage musical, de sa famille et des épreuves qu’elle a dû traverser en tant que femme afro-américaine, ainsi que de son rapport à la musique où savoir chanter n’était pas suffisant ! Elle commence par un morceau qu’elle a écrit suite à son divorce, une décision qui l’a rendue encore plus que déterminée, elle nous introduit au blues avec Bedroom express, puis enchaîne sur une chanson sur l’acceptation de soi, It’s OK. Elle interprète ensuite Être là-bas, belle chanson publiée d’abord en 2000 et dont le refrain rechanté par China servit de point d’ancrage au titre Évasion de Diam’s en 2003.
Un set bien à l’image de ce festival nourrit par une énergie débordante de positivité, d’amour, de tolérance et de partage. C’est une vraie communion qui s’est produite. Alors on guette évidemment la deuxième édition prévue pour cette nouvelle année.
Texte : Isha Sookee
Photos © Malcolm Kata