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Live reports / 16.09.2024

Rendez-Vous de l’Erdre 2024

Nantes et alentours, du 26 août au 1er septembre 2024.

Tous les ans c’est le même plaisir de retrouver les bords de l’Erdre à Nantes pour un événement toujours unique en son genre, avec une telle foule et tant de moments musicaux et aquatiques proposés gratuitement, à toute heure de la journée.

Concerts sur de grandes scènes avec beaucoup de public, sur de petites scènes plus intimistes, performances le matin au lever du soleil en bordure de l’Erdre ou au milieu de la forêt du Gâvre, concerts “in” et prestations “off” dans les villes de l’Erdre, sur des places, dans le parc d’un château, au bord d’une écluse, au bas des immeubles, dans des squares, chacun peut trouver le cadre qui lui convient et admirer, entre deux concerts, les régates et parades nautiques des gréments de rivière sur l’Erdre tout en dégustant les nombreuses spécialités culinaires proposées le long des quais.

Les Rendez-Vous de l’Erdre sont pour beaucoup l’événement du week-end, le dernier avant la rentrée scolaire. Ledit week-end est en fait la conclusion d’une dizaine de jours parsemés des possibilités évoquées plus haut. L’une d’entre elles est la Tournée des Batignolles, qui parcourt les quartiers du nord de Nantes et qui est aussi l’occasion d’intervention dans les écoles en mai et juin. Assurée cette année par Max Genouel & his Bandolera Serenade, avec Nico Duportal à la guitare, Julien Bouyssou aux claviers et Hugo Deviers à la batterie, nous l’avons rejointe le lundi 26 août. Le répertoire confirme la continuité avec la Max Genouel’s Blues Review déjà vue dans le passé. Jimmy Reed, Jimmie Vaughan, Johnny Guitar Watson, Bob Dylan via Lonnie Mack, les Fabulous Thunderbirds (surnommés dans l’ouest les Fabulous T-Beurres), Gary Primich, Jerry McCain, sont au programme et le public nombreux ondule avec plaisir. Max chante d’une voix autoritaire, et joue de l’harmonica avec un son impressionnant.

Le lendemain mardi, nous sommes au Zygo Bar pour une soirée ouverte blues et soul organisée par le même Max Genouel avec la complicité de Fabrice Bessouat qui a amené avec lui nul autre qu’Alabama Mike ! Ce haut lieu du blues nantais prend feu tout de suite avec Mike au micro, accompagné par Max, Fabrice, et Julien Dubois à la basse. Frustrate my life, Somewhere down the line, Lonesome in my bedroom, il est en forme et laisse une scène bien chaude aux musiciens et chanteurs prêts à jammer. Apparaissent, entre autres, Igor Pichon, Denis Agenet, Valérie White, Miguel Hamoum, Nicolas Deshayes, Jakez Rolland, Sami Touré, Hugo Deviers, Chris Wenten, Anna, et d’autres dont les noms nous ont échappé. C’est la fête, avec comme gâteau final le retour de Mike au micro et l’honneur de jouer de l’harmonica avec lui sur California blues.

Le concert de clôture de la Tournée des Batignolles a lieu le jeudi 29 août à la Locomotive, Maison de Quartier Erdre-Batignolles. Max & His Bandolera Serenade interprètent un répertoire similaire à celui du lundi précédent, avec quelques variantes issues de leur érudition sans limites. Ils invitent pour l’occasion Thomas Troussier à l’harmonica et ça nous vaut une gentille bataille entre Max et lui sur she’s tough de Jerry McCain. Dans la salle, des enfants sont là, qui ont vu Max et ses compères dans leurs écoles et qui chantent spontanément sur les morceaux qu’ils reconnaissent, en particulier un Les zaricos sont pas salés qui se transforme en fête. Max Genouel a d’ailleurs enregistré plusieurs morceaux avec les enfants et en a fabriqué un CD spécial à distribuer aux enfants.

Max Genouel & his Bandolera Serenade © CM
Alabama Mike
Max Genouel et Thomas Troussier © CM

Le vendredi 30 août commence sous une pluie peu rassurante, d’autant que les prévisions météorologiques du week-end ne le sont pas plus, mais leur variabilité rapide laisse de l’espoir. La pluie cause l’annulation du concert de Stardust Trio le matin sur la place Talensac et de la Fanfare FMR l’après-midi sur la place Royale. (CM)

Heureusement, tout se calme pour l’ouverture de la scène blues, qui est impétueuse avec Crystal Thomas entourée par le bien nommé European All Stars réuni par l’avisé batteur Pascal Delmas avec, à la basse, le Français Antoine Escalier, aux claviers, l’Espagnol Victor Puertas et, à la guitare, l’Italien Luca Giordano. Auxquels s’ajoute ce soir le sax ténor de Sylvain Téjérizo, pour un supplément de groove. Fine mouche, le programmateur du plateau a demandé à Crystal Thomas d’évoquer son passé de tromboniste auprès de Johnnie Taylor. Ce qui nous vaut, dès le début du concert, l’instrumental Blues funk, dont le titre dit tout, et, tout au long du concert, de juteuses parties soufflées en section avec Sylvain Tejerizo. Chacun profite de cette entrée instrumentale pour se mettre en valeur, mais d’autres occasions leur seront offertes tout au long du set.

L’engagement, la classe, le pouvoir de sa voix, valent à Crystal une adhésion croissante du public qui ne résiste pas à ses chevaux de bataille (One good man, A ghost of myself, I’m a fool for you, Party, Ain’t no cure for the blues…). Elle nous offre la primeur de Blue as I can be (à venir sur le prochain album) et surtout une version bouleversante d’émotion de Ne me quitte pas, devant autant à Jacques Brel qu’à Nina Simone. La pluie a commencé à tomber, mais personne ne s’éloigne de la scène. On retiendra encore le Mojo working métamorphosé par la voix de Crystal, l’harmonica hallucinant de Victor Puertas et la guitare de Luca Giordano. Elle finira le show, portée par la ferveur qu’elle a su susciter. Trempée de sueur et de pluie mais radieuse, elle viendra encore à la rencontre des fans à côté de la scène. (JP)

Le réputé Tremplin Blues commence le samedi 31 août après-midi avec trois groupes, Tyler & The Crew, The Strikers et Akène Bleu. C’est Tyler (vo, g) qui ouvre le concours avec Anto (lapsteel), Sam (b) et Joan (dm). La discographie du groupe contient des morceaux blues rock de bonne facture, concis et punchy, on ne les entendra pas beaucoup ici, hormis une reprise de Ramblin’ blues, mais on n’en remarque pas moins la virtuosité de Tyler et la couleur apportée par la lapsteel d’Anto. Le final en Voodoo chile mâtiné de l’instrumental Miserlou et du refrain de Hey Jude plait au public.

Les Strikers, avec Jean-Christophe Sutter (vo, g), Éric Courier (b), Josselin Hasard (dm), Julien Borie (kbd), commencent par une reprise de Gary Clark Jr. et confirment ensuite leur façon personnelle de mêler blues et rock, Robert Johnson et Bo Diddley, Robert Petway et les canons du blues rock, avec un intéressant solo de flûte de Josselin, et un TV mama vigoureux en rappel. Ils seront les seuls à tenter cela dans les 45 minutes imparties. Ils annoncent un album qui sera enregistré cet hiver.

Akène Bleu, c’est Adeline Haudiquet au chant et à la guitare occasionnelle et, cette fois-ci, Alex Mirey à la guitare, en remplacement de Doniphan Laporte. Le répertoire est du coup peut-être plus marqué par le blues et l’électricité, mais l’éclectisme érudit est bien là, avec des reprises de Big Maybelle, Keb’ Mo, Johnny Guitar Watson, Bonnie Raitt, Geechie Wiley et Nina Simone. La voix d’Adeline, acidulée et puissante, retient l’attention, la guitare et la voix d’Alex sont puissantes, le public est captivé. (CM)

Partis à 5 heures du matin de Norvège, Alabama Mike & The Soul Shot Band ont dû emprunter quatre vols différents pour arriver sur la scène nantaise à 20 heures. Leur fatigue n’est pourtant guère décelable quand ils apparaissent en soirée sur la scène blues, car pas plus le chanteur que les musiciens ne ménagent leur énergie pour mettre en avant cette musique où blues et soul se combinent intimement. Dans la voix de Mike, l’empreinte du gospel et de chanteurs soul sudistes comme Little Johnny Taylor (dont il reprend Somewhere down the line) est manifeste, mais il a aussi su y puiser l’inspiration pour son propre univers, à travers Goodbye Tamika, aux saveurs caribéennes, Upset the status quo ou The stuff I’ve been through. Comme Crystal Thomas, il sait pouvoir compter sur des accompagnateurs qu’il connait depuis longtemps, rassemblés autour de Fabrice Bessouat (dm) : Damien Cornélis (kbd), Julien Dubois (b) et Anthony Stelmaszack (g) rejoints par Yann Cayeu (g). Outre les titres déjà cités, on retiendra une version intense de Lonesome in my bedroom où guitaristes et organiste se/nous régalent. Si certains doivent insister pour obtenir la participation du public, d’autres l’obtiennent spontanément, c’est le cas de Mike dont on reprend en rigolant « I’m fat, I’m lit, you can’t tell me shit » (Fat shame) ou « Love peace and happiness » chanté longtemps après que les musiciens ont quitté la scène ! (JP)

Adeline Haudiquet © JMRnB
Alabama Mike © JMRnB

Dimanche 1er septembre, la pluie est drue jusqu’en milieu de matinée avant de laisser la place à un temps plus sec qui permet de profiter du blues brunch avec Max Genouel & His Bandolera Serenade, en plein cœur de l’Ile Versailles. Le public est nombreux, la musique est bonne, le brunch laisse vite la place à l’apéritif, ce dimanche commence très bien.

La suite est à l’avenant avec les deux derniers candidats du Tremplin Blues, Mo’Fab & Sticky Howlin’ et Bouexi Band. Fabrice Galode (vo, g) est Mo’Fab, Cédric Cobret (hca) est Sticky Howlin’, et le blues électrique est leur terrain de jeu, avec le mérite de composer leurs propres chansons. Fabrice chante puissamment, avec quelques maniérismes mais sans exagération, et Cédric joue un harmonica mêlant classicisme et modernisme, avec une efficacité et un dosage qui lui permettent d’accompagner Fabrice non seulement en contrechant mais aussi pendant qu’il chante, ce qui n’est jamais facile.

Leur succède le Bouexi Band, groupe de country rock cajun composé de Christophe Chevalier (vo, mélodéon), Tristan Auvray (vl, chœurs), Thomas Ottogalli (lead g, chœurs), David Dutertre (g, chœurs), Philippe Jaumier (b) et Christophe Baillet (dm). Impossible de ne pas danser à l’écoute de leur musique joyeuse, mais non sans mélancolie, festive, chantée en français avec un délicieux accent, enrichie par de beaux solos de violon et de guitare. Blues ou pas blues ? Certains se posent la question. Qu’importe, l’esprit y est.

Après délibération, le jury annonce les résultats :

  • 1er Prix : Akène Bleu
  • 2e prix : Bouexi Band
  • 3e prix : Mo’Fab & Sticky Howlin’ Ced
  • Prix Spéciaux :
  • Akène Bleu remporte les prix Soul Bag, Bain de blues, France Blues, Collectif des Radios Blues, Bluesin’ Août, Rives de Blues & Co, Odéon de Tremblay, et le prix de l’équipe de la scène Blues.
  • Bouexi Band remporte les prix Montfort Blues, Nuits du Blues de Marnaz, Rives de Blues & Co (qui a remis deux prix), Blues Sur Suresnes.
  • Mo’Fab & Sticky Howlin’ Ced remportent le prix Azile de la Rochelle. (CM)

À Sucé-sur-Erdre, on retrouve Max Genouel qui délaisse le costume de chanteur-harmoniciste du blues brunch pour celui de chanteur-guitariste des Freaky Buds. La machine du quartet est huilée et efficace, offrant un authentique condensé de talent et d’énergie. Quelques heures plus tard, les plus acharnés retrouveront Max au Mirza, un bar-restaurant du centre-ville de Nantes, aux côtés du chanteur-guitariste Jakez Rolland pour deux sets gorgés de blues et de soul mêlant notamment des reprises de J.B. Lenoir, Jimmy Rogers, Sam Cooke ou Jimmy Reed. La chanteuse Solenne Salas-Schumann de Tampa Road et Anthony Stelmaszack au chant et à l’harmonica viennent apporter leur contribution dans une ambiance savoureuse, typique d’un dimanche soir des Rendez-Vous de l’Erdre, quand chacun sait que la fête s’achève mais que nul ne veut se résoudre à se quitter.

Entretemps, Alabama Mike aura conquis le public de Sucé-sur-Erdre titre après titre. Un public certes assez clairsemé du fait de conditions météorologiques incertaines, mais résolu à prendre une solide dose de soul et de blues et que même une forte averse ne délogera pas. Think lance le concert dont la set-list est essentiellement composée des deux derniers opus de Mike, les hautement recommandables “Upset The Status Quo” (2016) et “Stuff I’ve Been Through” (2022). Le chanteur-harmoniciste peut compter sur le redoutable Soul Shot Band qui impressionne par ses qualités musicales et par la complicité qui lie ses cinq membres. Dans des registres différents aussi bien au niveau du jeu que de l’expression scénique, tout en humilité et en respect mutuel, leur l’association fait des merveilles. Généreux, et authentique, Alabama Mike régale durant près d’1h30 l’assistance avec les titres de haute volée que sont Goodbye Tamika, Can’t stay here long, Stuff I’ve been through ou Fat shame et s’affirme toujours plus dans la catégorie des artistes que l’on peut voir et revoir à satiété. (ND)

À Nantes, c’est déjà l’heure du concert de clôture avec Little Big 6ster, vainqueurs du Tremplin Blues 2023. On connaît Virginie Pinon (vo, g), Nicolas Bach (vo, g), Cyril Bach (perc, didgeridoo, chœurs), Gilles Théolier (b) et Vincent Lechevallier (dm), on les aime et on apprécie leur répertoire qui mêle le hit Someday baby, les reprises appropriées comme Must I hesitate, Who do you love, et leurs compositions comme Me blind, Modern tribe et d’autres encore. La voix de Virginie est puissante, la guitare de Nicolas apporte une bonne dose de rock, Cyril a non pas un mais deux didgeridoos, et l’ensemble groove fort.

Et le rideau est tiré sur la grande scène blues. On se sent perdu mais on se retrouve vite, par exemple à la péniche Casa dont les concerts ne sont pas terminés et qui ont proposé un bel échantillon de la scène locale tout au long du week-end, tout comme la péniche France Bleu entre concerts et showcases. C’est la même magie tous les ans, on va donc attendre l’édition 2025 avec patience. (CM)

Ce compte-rendu porte principalement sur la partie blues de la programmation musicale, mais la partie jazz était aussi copieuse, sinon plus, et ce fut encore avec regret que nous ne pûmes en profiter plus pleinement.

Textes : Christophe Mourot, Jacques Périn, Nicolas Deshayes
Photos © Jean-Michel Rock’n’Blues, Christophe Mourot

Mo’Fab & Sticky Howlin’ © JMRnB