;
Chroniques / 04.10.2024

Jubu Smith, Jubu

Nouvel axiome : chaque disque mentionnant Charlie ­Hunter sur sa pochette est un délice. Et quand, par chance, son nom apparaît deux fois (ici, en tant qu’instrumentiste et producteur), c’est le festin assuré. Impossible de rester de marbre à l’écoute de cette impressionnante galette soul jazz instrumentale qui met en vedette l’un des grands unsung heroes de la guitare électrique moderne : John “Jubu” Smith. 

Le ­Californien (Oakland) a beau avoir foulé les scènes du monde entier aux côtés des plus grands, sa réputation demeure limitée au cercle des musiciens qui ont eu la chance de le côtoyer. Quel toucher ! Quel placement ! Quelle finesse ! Il n’use pourtant d’aucun artifice. Juste sa guitare branchée dans l’ampli. Pas de pédale d’effets. Un son clair, rond et chaud, à peine coloré d’une pointe de crunch sur les attaques. En revanche, deux mains phénoménales. La gauche, qui alterne voicings inattendus et échappées fulgurantes en note à note. La droite funky, caressante, multiple. Avec cette capacité inouïe à sculpter le silence, à tirer profit des possibilités offertes par le potentiomètre de volume, à triturer les notes au tremolo.

Le tapis moelleux concocté par la guitare hybride de Hunter, qui assure en même temps lignes de basse et accords filtrés à la Leslie, donne à Jubu Smith tout loisir pour tricoter sans hâte ses arabesques. À l’instar des grands jazzmen, ses improvisations reflètent son âme. Elles ne dévalent pas des gammes, elles racontent des histoires. Signalons aussi la qualité des grooves du batteur Calvin Napper (spécialisé dans les piges gospel et croisé du côté de chez Maze), remarquable de souplesse et de musicalité. De l’écoute, du respect, de la passion et une formidable personnalité : à 54 ans passés, Jubu Smith fait une tardive, mais tonitruante entrée sur la scène internationale.

Ulrick Parfum

Note : ★★★★★ (Le Pied !)
Label : Little Village
Sortie : 5 juillet 2024