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Hommages / 02.03.2025

Angie Stone (1961-2025)

La route est une maîtresse exigeante, et nombre de musiciens majeurs – Bessie Smith, Jesse Belvin, Eddie Cochran, Billy Stewart, Duane Allman… – lui ont payé le prix ultime. Le nom d’Angie Stone s’ajoute désormais à cette macabre liste : c’est sur le trajet entre deux concerts, de Mobile dans l’Alabama à Baltimore, qu’elle a été tuée dans un accident de la route impliquant un camion et son véhicule de tournée.

Originaire de la ville de Columbia, en Caroline du Sud, Angela Laverne Brown commence à chanter à l’église, sous l’influence de son père, membre d’un quartet local. À l’adolescence, elle monte un trio hip-hop, The Sequence, qui, au culot, réussit à auditionner pour Sylvia Robinson, la patronne de Sugar Hill Records, dans les coulisses d’un concert du Sugar Hill Gang. Paru en 1979, le premier single du trio, Funk you up, n’est que le deuxième disque publié par le label, mais le succès est immédiat, et le 45-tours atteint la 15e place du classement R&B. 

Collection Gilles Pétard

L’aventure se termine au milieu des années 1980, après trois albums et une série de single, et Stone – encore souvent créditée sous son nom de naissance ou sous celui d’Angie B – prête sa voix à différents projets, notamment dans le monde des musiques électroniques (Bassomatic, Malcolm McLaren, Mantronix…). Elle est également la chanteuse du trio Vertical Hold, qui publie deux albums pour A&M dans la première moitié des années 1990 et décroche un petit tube avec Seems you’re much too busy, et du groupe Devox, et travaille comme choriste pour Lenny Kravitz, Vanessa Paradis et Buckwheat Zydeco. C’est sa collaboration avec D’Angelo – le père de son fils né en 1998 –, en tant que choriste de scène et en tant qu’autrice, au moment des albums “Brown Sugar” et “Voodoo” qui la fait remarquer du public de la soul contemporaine. 

Collection Gilles Pétard

Repérée par Clive Davis, elle publie fin 1999 son premier album, “Black Diamond”, auquel contribuent entre autres D’Angelo et Lenny Kravitz. Précédé par le single à succès No more rain (In this cloud), l’album est très bien accueilli par la critique et par le public et fait de Stone une des voix de référence de la période, invitée sur le Jazzmatazz de Guru et sur des titres de Omar, Macy Gray, Charlie Wilson et même Prince. En 2001, “Mahogany Soul”, avec la participation de Raphael Saadiq, connaît une réussite similaire, propulsée par le tube Wish I didn’t miss you. En parallèle, Stone se lance dans une carrière d’actrice, et participe à plusieurs films dont The Hot Chick et The Fighting Temptations. “Stone Love”, son troisième album sort en 2004 et connaît la même réussite que ses prédécesseurs, mais la relation avec son label se dégrade et les titres envisagés pour son disque suivant aboutissent en bonus d’une compilation, “Stone Hits: The Very Best of Angie Stone”. 

Collection Gilles Pétard

C’est sur le label Stax revitalisé qu’apparaissent les deux albums suivants de Stone, “The Art of Love & War”, qui atteint le sommet du classement R&B en 2007, et “Unexpected” en 2009. Après avoir participé en 2006 à une série de téléréalité de la chaîne VH1 dans laquelle des célébrités tentent de perdre du poids, elle apparaît dans différents films et dans plusieurs comédies musicales à Broadway et en tournée. Elle trouve le temps de publier en 2012 un nouvel album, “Rich Girl”, au succès mitigé, suivi trois ans plus tard par “Dream” sur Shanachie, mieux accueilli par la critique et le public. En 2013 et 2014, elle participe à deux saisons de la téléréalité R&B Divas: Atlanta. Elle publie en 2016 un album de reprise, “Covered in Soul”.

“Full Circle”, en 2019, la voit revenir à un répertoire original, mais le succès reste limité, et le dernier album publié de son vivant, “Love Language”, passe à peu près inaperçu à sa sortie en 2023. Le manque de succès discographique n’a pas d’impact sur sa popularité scénique, et elle continue à se produire régulièrement aux États-Unis et en Europe, même si elle ne passe que rarement par la France, où elle ne semble pas avoir chanté depuis un Trianon de 2014. 

En janvier dernier, elle postait sur son compte Instagram : « Je suis dans le jeu depuis 50 ans. Mon premier album solo a 25 ans. J’ai travaillé beaucoup au fil des années. Dieu m’a offert ce don et je l’ai partagé avec le monde. Même aujourd’hui, je demande à mon créateur quelle est la prochaine étape parce que j’ai tellement plus à donner. » Le destin ne lui aura pas laissé cette chance.

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR

© Ruven Afanador / Collection Gilles Pétard