Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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4 septembre 2019.
Alors que “Jaime”, premier album solo de la front girl d’Alabama Shakes, sort le 20 septembre, on est bien curieux d’aller découvrir comment cette pimpante et charismatique musicienne transforme l’essai “live” d’un album audacieux et sophistiqué (4,5 étoiles dans Soul Bag 236). Avant même l’entrée sur scène des musiciens, la configuration scénique très touffue laisse présager le meilleur. Il nous semble bien distinguer des amplis pour au moins deux ou trois guitares, une basse et un drum kit épaissi d’une double grosse caisse et d’un pad électronique. De l’autre côté, c’est tout aussi foisonnant. Deux micros pour choristes et ces trois claviers, dont un rutilant orgue Hammond…
Nos soupçons étaient fondés : six musiciens, deux choristes et une Brittany Howard qui en enfilant sa guitare vintage s’impose en un éclair. Ce soir, c’est dress code rouge pour tous. Et voilà cette autre Queen B, coquettement revêtue d’un complet flamboyant. Aux premières notes de He loves me (qu’elle enchaînera à Georgia, comme sur l’album), ça nous saute aux yeux soudainement : sous les projecteurs et aux sons des notes simples et directes arrachées à sa vibrante guitare, Brittany Howard avec ses moues si particulières a presque des allures d’une Big Maybelle, d’une Etta James, d’une Big Mama Thornton ou de ce parallèle que nous avions évoqué dans notre dossier d’été : Sister Rosetta Tharpe, bien sûr. Sidérant !
Deux titres pour briser une glace inexistante entre musiciens et public, et il est déjà temps de livrer le single marquant. Balayage folk et carillon, c’est l’excellent Stay high qui bénéficie ce soir d’un allongement de quelques minutes. Fougueux, le brillant Nate Smith dynamite caisse claire, cymbales et fûts divers tandis que la basse métronomique de Zac Cockrell (d’Alabama Shakes) ponctue la pulsation de ces premiers morceaux. Les choristes (Karita Law et Shanay Johnson) assurent un soutien rigoureux et des renforts très bien placés qui font systématiquement mouche et contrebalancent avec brio l’élasticité du chant d’Howard.
À l’image des deux guitaristes (Alex Chakour et Brad Allen Williams), les deux claviers (Paul Horton et Lloyd Buchanan) se complètent parfaitement. Quand l’un renforce le côté funk très princier dont Brittany ne cache aucunement l’influence (elle reprendra d’ailleurs Breakdown dans la première partie du show), les envolées des seconds colorent des titres comme Georgia, Presence ou ces succulentes versions de When something is wrong with my baby (Sam & Dave) et Revolution (Nina Simone) d’accents churchy, délicieusement soulful et toujours parés d’un impeccable groove.
De grooves pouvant être moins évidents de prime abord (on vous dit que l’album est audacieux), Brittany Howard fait le meilleur des boulots que l’on pouvait imaginer pour une retranscription scénique. Goat head et 13th Century metal en sont les parfaites illustrations. Beat et flow proto hip-hop pour le premier, hybride de rock psychédélique et talk over pour le second.
Ce qui aurait pu sonner compliqué dans sa reproduction live prend une tournure géniale et renforce la puissance du propos. On en sort même secoués. Et pour nous faire redescendre, la native d’Alabama, restée seule sur scène le temps d’un titre acoustique (Short & sweet), est bien évidement capable d’un exercice sans filet (voix et guitare acoustique) qui nous rappelle qu’elle peut aussi véritablement émouvoir sans artifices.
À 30 ans, Brittany Howard possède cette aisance propre aux vieux routiers de la scène. De ceux et celles pour qui enfiler une guitare, chanter devant une audience, enquiller une présentation de musiciens en sautillant partout et haranguer une foule, petite ou grande, de son accent sudiste, semble une chose naturelle et spontanée. Des musiciens au top, une Brittany galvanisée par cette nouvelle aventure solo (et très personnelle), un public ravi… À l’issue d’une petite heure et demie de concert et d’une quinzaine de titres entendus, un beau sentiment d’abondance comme celui d’une rentrée qui musicalement démarre merveilleusement bien. Pourvu que ça dure !
Texte : Julien D.
Photos © Frédéric Ragot