;
Live reports / 06.11.2019

Durand Jones & the Indications, Trabendo, Paris

15 octobre 2019.

Moins d’un an après un passage à la Maroquinerie, le groupe phare du label Colemine est de retour à Paris, dans la foulée d’un deuxième album bien accueilli, “American Love Call”, qui lui a même valu quelques passages sur des radios généralistes grâce à l’accrocheur Morning in America

L’ouverture de la soirée a été confiée à des collègues de label, The Dip, déjà responsables de deux albums. Pas évident pour l’ensemble de débuter devant un très maigre public, mais le groupe fait le job et parvient à séduire les spectateurs, même s’il faut bien avouer que sa musique fait figure de pâle copie, surtout au niveau du chant, des Expressions de Lee Fields ou des Extraordinaires de Charles Bradley. 

The Dip

La salle, sans être complète, s’est bien remplie quand débarquent Durand Jones & the Indications, renforcés pour l’occasion de deux cuivres, la trompettiste Jackie Coleman (remarquable dans chacune de ses interventions solistes) et une saxophoniste non identifiée. L’apport de ces deux musiciennes est un renfort appréciable au quintet de base et lui permet de reproduire facilement sur scène la qualité des arrangements d’origine. Car le groupe se positionne dans un créneau différent de la plupart des héritiers plus ou moins légitimes du son Daptone : Durand Jones & the Indications ne font pas dans le funk ni dans la transpiration, mais dans une soul sophistiquée, à la limite de la sweet soul, plus proche des Impressions ou des Delfonics que de James Brown ou d’Otis Redding. 

Le répertoire emprunte pour l’essentiel aux deux albums déjà parus, ainsi qu’à quelques titres publiés uniquement en 45-tours. Malgré le nom du groupe, Durand Jones en est plus un membre que son leader, d’autant que son jeu de scène reste sobre – quand il se laissera un peu aller, sur la superbe ballade Can’t keep my cool, il lui faudra laisser la scène à ses compères pour une reprise de l’instrumental Apache ! Cela ne l’empêche pas de porter à la perfection des titres marquants comme Make a change ou Morning in America. Il partage le micro avec celui qui est l’arme secrète du groupe : le batteur Aaron Frazer, dont le falsetto quasi-irréel, plus Bee Gees que Curtis Mayfield ou Philip Bailey, flotte en apesanteur sur des titres comme l’irrésistible Cruisin’ to the park, hommage à la scène low rider qui semble issu d’un 45-tours chicagoan des années 1960. 

Durand Jones
Aaron Frazer
Steve Okonski, Kyle Houpt
Kyle Houpt

Plus que le jeu de scène finalement limité de son chanteur – qui va jusqu’à s’écarter du centre de la scène pendant les passages instrumentaux –, c’est la cohésion du groupe et la qualité des arrangements qui épatent le plus : même sans pouvoir convoquer la richesse instrumentale du disque (les cordes en particulier), l’ensemble parvient à en restituer l’essence avec des touches originales (la variété des sonorités du clavier, qui se fait par exemple carillon lorsque le besoin s’en fait sentir) sans se contenter de reproduire l’enregistrement. Une reprise de Curtis Mayfield, le rarement joué (Don’t worry) If there’s a hell below, we’re all going to go, permet au groupe d’afficher ses influences. Au rappel, les membres de The Dip rejoignent la scène pour un final partagé sur I shall be released de Dylan, une belle façon de clôturer une prestation sans faiblesse qui fait espérer que le groupe ait rapidement l’occasion de se produire plus largement sur les scènes françaises.

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot 

Blake Rhein, Durand Jones, Jackie Coleman, ?
Durand JonesDurand Jones & the IndicationsFrédéric AdrianFrédéric Ragotlive in ParisTrabendo