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Live reports / 13.11.2019

Gospel Festival de Paris, Grand Rex, Paris

26 octobre 2019.

La soirée commence avec des présentateurs sur leur trente et un et en grande forme introduisant la légion de choristes de Total Praise dirigés par Isabelle Voitier. Certains choristes quittent leur aube pour rejoindre le devant de la scène le temps d’un morceau. On retiendra la performance d’Heredia Koffi sur There is God et de Nathalie Colomb sur You are. Dans le public, des mains se lèvent et des doigts pointent le ciel. Marcel Boungou, habitué du festival, est accueilli chaleureusement pour un Victory belongs to Him qui s’enchaîne sur I am free en duo avec Nathalie Colomb, aux accents reggae. La salle se met debout et esquisse quelques pas de dance. L’ambiance est chaleureuse et familiale et on sent que la chorale a commencé à nous plonger dans les eaux vives de la louange. 

Quand, après la pause, Karen Clark Sheard prend possession de la scène, on comprend qu’on ne faisait jusqu’à maintenant que barboter dans le petit bain. Le groove nous saisit à la nuque et nous immerge avec une certaine violence dans le baptistère. Vêtue d’une robe rouge vif et d’un énorme manteau crème aux motifs volcaniques, Karen Clark Sheard n’aurait pas déparé dans la suite d’un dignitaire papal de la Renaissance. Le Total Praise Band est impeccable, brillant par sa versatilité. Quand les Français jouent des chansons au format pop avec un début et une fin, les artistes américains mêlent chant et prêche dans une combinaison qui capte l’attention de l’auditoire. On glisse subrepticement de la performance au service religieux. Les animateurs nous avaient promis un feu d’artifice vocal, on n’est pas déçus. Secret place notamment est l’occasion d’une démonstration de puissance et de maîtrise qui fait penser à un défilé militaire : Karen Clark Sheard a beau chanter un dieu d’amour est de tendresse, sa voix est une arme de guerre. Blessed and higly favoured clôt le spectacle en faisant participer le public, qui joue le jeu en partie. 

Total Praise
Isabelle Voitier et Total Praise
Total Praise
Marcel Boungou
Marcel Boungou, Isabelle Voitier, Nathalie Colombe et Total Praise
Karen Clark Sheard

Et voilà que débarque Shirley Caesar pour sa première apparition dans l’hexagone. Son guitariste et son organiste l’accompagnent. J’avoue que je me faisais du souci pour elle : la petite dame est née il y a quelques temps et on pouvait craindre une performance fragile, suspendue à la bienveillance du public. Quelle présomption, quelle erreur ! Pastor Shirley est bien là, agacée par la traduction qui coupe le rythme de son prêche, charriant dans sa voix toute l’histoire de la musique sudiste américaine, mimant et jouant ses chansons et ses homélies, dirigeant la chorale à la place d’Isabelle Voitier, dansant, tremblant, hurlant. « Je suis la dernière survivante d’une famille de 13 enfants, je ne sais pas pourquoi Il m’a épargnée. » Le public français commence à se faire une petite idée de ce que le Seigneur avait derrière la tête après le double uppercut de No charge et de Yes oh yes. La guitare ultra bluesy et country fried de Criss “Righteous” Johnson transporte la chorale francilienne et tout le Grand Rex en une autre époque et en d’autres lieux. La salle commence à se vider peu à peu. Il est près de minuit, certains craignent peut-être d’être fatigués pour la messe du lendemain. 

Shirley Caesar

Mais Shirley ne quitte pas la scène, elle a encore quelques tours dans son sac. Se retrouvant avec les quelques poignées de croyants qui s’accrochent à ses pieds, elle amène la première ligne de choristes sur le devant de la scène et serre la main d’heureux membres du public. Le feu d’artifice final se produit devant un public un peu clairsemé : Shirley Caesar, quatre vingts ans passés, a tabassé Paris et plumé le public du Grand Rex pour ne garder que le noyau dur. Elle s’assoit sur les marches qui constituent l’avant-scène du Rex et propose aux membres du public qui s’en sentent le courage de chanter quelques lignes de Jesus, I love calling Your name. Un petit groupe se forme autour de Caesar et à minuit passé, elle a réussi le miracle de transformer ce spectacle en une vraie célébration communautaire.

Des membres du public s’emparent du micro et crient et chantent l’amour du Christ, et quand ils sont bons, Shirley les fouette de la serviette avec laquelle elle s’éponge le visage, visiblement ravie. On a droit à quelques performances sacrément musclées. La voilà qui sort de son sac quelques dollars et demande au public d’acclamer le meilleur des chanteurs avant de décerner le prix à un jeune homme qui a bluffé la pasteure et le public du Rex. Après cet apogée, elle se met à danser nu-pieds au rythme de la guitare de Criss Johnson qui s’enflamme et saisit le micro pour quelques mesures qui laissent entrevoir un talent impressionnant. C’est donc là ce qu’est venue faire la grande Pastor Shirley au Grand Rex : rappeler que le gospel n’est pas un spectacle, mais un rassemblement de musiciens et de croyants qui prennent d’assaut le ciel silencieux de leurs prières et de leurs chants. 

Texte : Benoit Gautier
Photos © Frédéric Ragot

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