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Live reports / 09.12.2019

Michael Kiwanuka + Celeste, Salle Pleyel, Paris

23 novembre 2019.

Le premier atout de cette copieuse tournée qui débute se nomme Celeste. Pour ouvrir la soirée dans le cadre prestigieux de Pleyel, la jeune chanteuse de Brighton a traversé la Manche avec un quintette qui prend vaillamment la place de Gotts Street Park, le groupe avec qui elle a réalisé son premier EP, le très réussi “Lately” publié en mars 2019. De quoi donner la pleine mesure de sa soul ciselée, portée par une voix imposante savamment distillée, lovée dans bel écrin de groove tranquille nourri de jazz et de hip-hop.

Le sax ténor (Kaidi Akinnibi) lancera quelques chorus mais la retenue est le mot d’ordre, à l’image d’une Celeste qui, parée d’une tenue élaborée, ne s’octroie pour tout mouvement qu’un balayage vertical de la main gauche. Un peu austère mais assez envoûtant, dès ce Both sides of the moon sur la pointe des pieds, le long de ce This is who I am à fleur de peau (Portishead n’est pas loin) et jusqu’à son tout récent Strange, interprété uniquement avec son pianiste (Dominic Canning alias Doom Cannon). Une conclusion intense au royaume du contrôle majestueux. 

Bel enchaînement après la pause puisque Michel Kiwanuka ouvre sur Piano joint, un des titres les plus recueillis et saisissants de son tout nouvel album. À droite ses deux choristes (Simone Daley Richards et Emily Holligan) en ont sous le pied, autour de lui ses quatre autres complices sont parés pour mordre à pleines dents dans la beauté des riches arrangements peaufinés en studio avec Danger Mouse et Inflo. Kiwanuka enfile sa SG et la troupe enchaîne alors You ain’t the problem, Rolling et I’ve been dazed, soit la même salve qui ouvre ce “Kiwanuka” conquérant. 

Quand l’artillerie rock & soul est de sortie, la voix du Britannique paraît un peu sous mixée, mais l’envie l’emporte et ce répertoire si personnel prend vie de belle manière. Retour en arrière bien amené avec force claquements de mains : Black man in a white world est toujours imparable et Rule the world une occasion idéale pour ressentir les nuances caressantes d’un timbre qui sait habiter chaque recoin de la mélodie. Entamé en douceur après un beau fondu enchaîné, ce titre voit plus loin débarquer le tranchant d’une caisse claire bien matte avant que les chœurs prennent feu. Ces jeux de textures et de grandes variations d’intensité font tout le sel des compositions de Kiwanuka qui ainsi entouré prend un plaisir manifeste à les délivrer face à un public ravi. 

Ainsi il s’empare du brûlant Hero en opérant une bascule similaire à celle du disque, ainsi il se donne à fond en revisitant Tell me a tale, un de ses premiers titres qu’il étire en humming, investi à fond dans son jeu sur cette radieuse Gibson acoustique qu’il sollicitera à plusieurs reprises, notamment pour l’une des quatre parties du “encore”. Home again, évidemment. Pleyel n’a pas oublié cette perle de 2012. 

Pas le temps, en revanche, de servir le grand Cold little heart en entier ; du coup, davantage que cette version raccourcie et un peu ramollie, on retient plus volontiers une conclusion tissée avec un adlib de chœurs qui s’imprime irrémédiablement : Love & hate fait mouche. Avant, on aura aussi goûté aux volutes du bien nommé Hard to say goodbye (le clavier s’en sort plutôt bien pour pallier l’absence de cordes, mais un Kiwanuka avec grand orchestre – à la Philharmonie de Paris ? – aurait de l’allure), à toute une panoplie de codas et d’enchaînements bien travaillés, et puis à un Solid ground de toute beauté, le patron en égrainant les notes depuis un Wurlitzer. Les lumières se rallument à 22 h 45, cette bonne centaine de minutes passée en sa compagnie fut généreuse, inspirée et touchante. Ainsi va Kiwanuka. 

Michael Jablonka, Michael Kiwanuka
Alex Bonfanti, Simone Daley Richards, Emily Holligan
Simone Daley Richards, Emily Holligan
Michael Jablonka, Michael Kiwanuka

Texte : Nicolas Teurnier
Photos © Cindy Voitus

Line-up Michael Kiwanuka : Michael Kiwanuka (vo, g), Simone Daley Richards, Emily Holligan (bkg vo), Steve Pringle (kbd), Michael Jablonka (g, bkg vo), Alex Bonfanti (b, bkg vo), Graham Godfrey (dm).

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