D’Wayne Wiggins (1961-2025)
10.03.2025
;
Né à Two Rivers, au bord du lac Michigan, Brian Leroy Kumbalek perd la vue dès l’âge de 8 ans, mais se découvre une passion pour la musique, qui le conduit à apprendre l’accordéon puis la guitare. À peine adolescent, il se produit localement avec un groupe de reprises rock ‘n’ roll, The Glaciers, ce qui lui permet de faire la première partie de Bill Haley. Il se convertit ensuite au blues et monte son propre groupe, avec qui il enregistre ses premiers disques (l’album “Beauty Isn’t Always Visual”) dans son État natal – il croise d’ailleurs souvent à cette époque la route de Luther Allison. C’est cependant quand il s’installe à La Nouvelle-Orléans, en janvier 1982, qu’il se fait remarquer des amateurs, assurant pendant quatorze ans une résidence à la Old Absinthe House – cinq ou six soirs par semaine, jusqu’à cinq heures par soir –, située sur Bourbon Street.
Pendant cette période, Lee, avec son Jump Street Five Band à géométrie variable, s’impose comme l’une des vedettes de la scène locale, mais aussi, faute de disque à son nom en dehors d’une autoproduction parue au milieu des années 1980, “Bourbon St. Beat”, comme un des secrets les mieux gardés de la ville. Tout au long de la décennie, nombre d’amateurs européens découvrent avec stupéfaction, en club ou au Jazz Fest, ce musicien haut en couleur, aux prestations spectaculaires et à la musique intense. Il faut cependant attendre le début des années 1990, et sa signature avec le label québécois Justin Time, pour que sa réputation s’établisse définitivement.
Paru en 1991, “The Blues Is” est le premier disque d’une série de treize pour le label sur les deux décennies suivantes, qui passe notamment par deux volumes de “Live At The Old Absinthe House Bar”, tandis que Lee et son groupe deviennent des visiteurs réguliers des scènes européennes, et notamment françaises. Entre ses dates nationales et internationales, Lee continue à assurer le show dans les clubs de Bourbon Street, se produisant en particulier, après la fermeture de la Old Absinthe House, à la Opera House ainsi qu’au 544 Club. Un concert de 2003 à Montréal fait l’objet d’une captation en DVD, parue en 2005 sous le titre “Live & Dangerous”. Il est en particulier soutenu, à partir la décennie 1990, par le “jeune prodige” Kenny Wayne Shepherd, alors au sommet de sa popularité, qui l’invite régulièrement sur scène, sur disque et même à la télévision, pour une apparition au Tonight Show de Jay Leno en 2007. Invité par Lee à partager la scène alors qu’il n’avait que 13 ans, Shepherd attribue en effet à cette expérience révélatrice sa décision de faire carrière dans le blues !
Des problèmes de santé amènent Bryan Lee à réduire son activité dans le courant des années 2000, sans pour autant renoncer à sa musique : l’auteur de ses lignes se souvient, lors de son premier passage sur Bourbon Street en 2005, en plein décalage horaire, d’y avoir été accueilli par les notes tranchantes de la guitare de Lee sortant d’un club surpeuplé ! Impacté comme tous les musiciens de la ville par le passage de Katrina, qui détruit son studio, Lee ne se démonte pas et lui dédie une chanson, Katrina was her name. Sa participation, aux côtés notamment d’Hubert Sumlin et Willie “Big Eyes” Smith au “Live! In Chicago” du fidèle Kenny Wayne Shepherd, paru en 2010, lui vaut même une nomination aux Grammys.
Après un dernier album pour Justin Time, “My Lady Don’t Love My Lady”, sur lequel il accueille Buddy Guy, Duke Robillard (également producteur) et Kenny Wayne Shepherd, il poursuit sa trajectoire discographique en indépendant avant de signer avec Severn Records pour le très réussi “Play One For Me”. Sa santé de plus en plus précaire ne l’empêche pas d’enflammer chaque scène sur laquelle il se produit, comme celle du regretté Spring Blues festival d’Ecaussinnes au printemps 2011. Sa carrière discographique se conclut avec une autre réussite, “Sanctuary”, publié en 2018. Désormais installé en Floride, où il se produit régulièrement jusqu’en avril dernier, il n’oublie pas La Nouvelle-Orléans, et assure une dernière fois le show dans la Blues Tent du Jazz Fest au printemps 2019… Figure mineure mais attachante, Bryan Lee n’a jamais renié le blues, auquel il a dédié toute sa vie, marquant de sa musique sans esbroufe le souvenir de ceux qui ont eu l’occasion de croiser sa route.
Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR