Un premier album après plus de soixante ans de carrière : l’exploit n’est pas ordinaire et vient couronner un parcours atypique raconté ailleurs dans notre nouveau numéro. Pour cette grande première, Green et son équipe ont choisi Little Village, le label à but non lucratif lancé par Jim Pugh, le clavier du groupe de Robert Cray, et les studios Greaseland où ont été enregistrés quelques-uns des meilleurs disques de ces dernières années. Produit par le patron des lieux, Kid Andersen, également présent à la guitare, le disque mérite bien son titre : c’est en effet à la (re)découverte d’une grande voix soul – mais aussi blues – que nous assistons !

Certes, le chant montre par moments des traces d’usure liées à l’âge. La reprise de Be ever wonderful de Ted Taylor, maladroitement positionnée en conclusion, souffre ainsi d’une voix chevrotante et vient gâcher un peu le plaisir de ce qui la précède. Mais le reste du disque est un régal qui évoque les albums qui avaient marqué, dans les années 1990, le grand retour de Mighty Sam McClain : soul blues à la Bobby Bland, ballades sudistes et funk blues dansant, Green est à l’aise dans tous les registres. S’il brille sur les reprises – des emprunts à Little Milton, Syl Johnson et même Willie Nelson –, ce sont les originaux qui accrochent le plus, au point de regretter qu’ils n’occupent pas une place plus importante dans le programme, du duo complice avec Alabama Mike sur son Trouble au I got there signé par Rick Estrin (dont le I beg your pardon, initialement gravé avec Little Charlie & the Nightcats dans les années 1980, est un autre sommet du disque).

Green revisite aussi un de ses classiques, avec une belle version de If you want me to keep on loving you. Difficile d’imaginer aujourd’hui une vraie nouvelle carrière pour Sonny Green, mais ce disque enchantera ceux à qui manque un certain son soul blues, entre Mighty Sam et Little ­Milton.

Frédéric Adrian

Note : ★★★★
Label : Little Village Foundation
Sortie : 10 septembre 2020