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Live reports / 13.01.2022

Steven Troch Band, Jazz en Nord, Croix

2 décembre 2021.

On retrouve Steven Troch et son groupe grâce au festival Jazz en Nord dans la petite MJC de Croix, pas si loin de leur terre natale belge. Le festival, à la programmation jazz, blues et soul, permet à diverses petites salles de tout le département d’accueillir des artistes de qualité et à d’autres publics que les Lillois de profiter de ces musiques essentielles. Et ça donne aussi des concerts très intimes : on ne devait pas être 50 à assister à celui-ci.

La soirée s’ouvre sur une ballade instrumentale type western avec John Wayne. On y remarque vite la précision du toucher d’harmonica de Steven Troch. Il reste sans conteste l’élément phare du groupe. À ses côtés, Matt T. Mahony est souvent mis en avant dans des solos de guitare bien maîtrisés, sa dextérité à la main gauche a pu faire quelques envieux. À la basse, Liesbeth Sprangers est une immense femme aux longs cheveux blonds, sûrement une ancienne contrebassiste qui semble frapper les cordes pour en faire mystérieusement sortir des lignes à la fois lourdes et mélodiques.

Derrière la batterie, on ne remarque pas tellement Bernd Coene qui fait bien son travail, sans déborder. Au chant, leur leader n’atteint pas les grandes voix torturées du blues, mais il laisse plutôt une impression de countryman moderne, avec un chant assez simple qui sert bien son but. Dans leur jeu scénique non plus, les musiciens ne s’improvisent pas bluesmen au regard obscur. Steven Troch est même plutôt blagueur, et il finit la première partie du set en imitant un moustique à l’harmonica sur Wanna sleep

L’entracte permet au public qui semble bien se connaître de se retrouver autour d’une bière, mais c’est aussi l’occasion pour les fumeurs d’échanger quelques mots avec le groupe. Steven Troch n’hésite pas à donner quelques conseils à un jeune harmoniciste malgré la barrière de la langue. 

La première partie nous avait tout de même laissés un peu sur notre faim. Le groupe semblait ne pas trop oser sortir de sa zone de confort et il n’y a pas eu ces moments d’éclat qui nous font dire “c’est pour ça que je suis venu !”. Mais la deuxième partie gagna en puissance et on eut le droit à au moins deux chansons vraiment marquantes. 

D’abord Summer shoes, une composition d’un ami de Troch qui fut invité sur scène pour deux titres. Le son, qui pouvait jusque là manquer de richesse, pris nettement de l’ampleur avec l’ajout d’une guitare acoustique et fit de ce blues une des chansons les plus abouties du set. On a tous été entraînés par son énergie joyeuse et regretté le départ rapide de son compositeur. 

Le deuxième point culminant fut la reprise de Nine below zero de Sonny Boy Williamson II. L’occasion pour Steven Troch et son guitariste de s’épancher sur deux longs solos et de déployer pleinement leurs qualités d’improvisateurs. On découvre particulièrement celles du leader, qui ne prend que rarement le temps pour des solos de cette envergure, mais quand il s’y met, ça en vaut la peine. 

Peut-être parce que c’était la chanson la plus grave du concert, ou peut-être parce que l’admiration des musiciens pour M. Williamson les poussait à aller plus loin. En tout cas, le groupe mit dans cette interprétation une concentration et une solennité particulière, qui manquaient parfois sur les autres titres, mais qui donnèrent une tout autre dimension à ce moment de la soirée. 

Le concert se finit sur quelques autres compositions du groupe qui quitta la scène devant un public debout, conquis. En partant, on ne regretta pas ce moment passé auprès de Steven Troch et ses trois musiciens. Sans chercher à toucher à la profondeur des grands blues éclatants, ils partagent une version moderne et arrangée des énergies puissantes de ce genre.

Texte et photos : Ami Appert

Ami AppertJazz en NordSteven Troch Band