Jaz Karis, La Boule Noire, Paris, 2025
05.03.2025
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2 au 4 novembre 2022, Palais des Congrès de Juan-les-Pins
Jammin’ Juan est un événement organisé depuis 5 ans par l’Office de Tourisme d’Antibes Juan-les-Pins et soutenu par la SACEM et le Conseil Départemental des Alpes-Maritimes. S’y retrouvent pendant 3 jours des professionnels du jazz, programmateurs de festival, tourneurs, agents artistiques, directeurs de clubs, journalistes et musiciens de nationalités diverses.
L’édition 2022 a proposé des showcases de qualité animés par de jeunes talents portant les promesses et la richesse du jazz de demain. Certains, parmi ces derniers, illustrent brillamment la tradition, non pas en se contentant de la reproduire dans ses plus belles lettres, mais en la nourrissant d’apports contemporains qui en soulignent l’authenticité. C’est le cas de la formation de jazz manouche de Fanou Torracinta qui pare de nouvelles couleurs l’héritage de Django Reinhardt ; du quintet d’Ernesto Montenegro, une formation internationale dont le répertoire évoque des légendes du jazz comme Freddie Hubbard et Art Blakey et du groupe NE:X:T du guitariste-arrangeur-compositeur luxembourgeois David Laborier inspiré par Wes Montgomery. À signaler le trio 3 in a Box, qui remplaçait le groupe Rahona de Julien Marga, dispensateur d’un groove dansant initié par le Fender Rhodes de Cyril Benhamou et la chanteuse d’origine bulgare Magi Aleksieva Mey qui après un départ timide trouva ses marques pour mettre en valeur un répertoire puisant dans le jazz et la pop.
D’autres s’inspirent de musiques rencontrées au cours d’un itinéraire personnel qu’ils intègrent au langage du jazz pour bâtir un univers qui leur est propre. C’est la démarche des trios de Daniel Garcia, Wajdi Riahi, Martin Salemi et Tal Gamlieli. Cette approche est aussi, dans son principe, celle de François Poitou & Pumpkin dont la formation génère un groove entraînant nourri de jazz et de hip-hop et d’Adrien Brandeis qui exploite avec brio les affinités naturelles du jazz et des musiques latines. Son travail a été récompensé par le Grand Prix Compositeur jeune talent 2022 de l’Union Nationale des Auteurs Compositeurs (Unac).
Enfin, il y a ceux qui se laissent guider par leur inspiration sans se préoccuper des frontières stylistiques. C’est le cas des groupes Daïda et Monsieur Mâlâ qui mêlent rock, jazz et électro en un tout cohérent. Leur musique est inventive, bouillonnante d’énergie et le plus bel avenir leur semble promis. Accompagnée par le pianiste Arseny Rykov, l’harmoniciste israélienne Ariel Bart opère dans un tout autre registre. Virtuose de son instrument, elle n’abuse jamais d’une technique hors pair en refusant tout effet ostentatoire et sait donner un sens à une interprétation en mettant en valeur les contours d’une mélodie. Elle fut une belle découverte tout comme la chanteuse et vibraphoniste Sanne Huijbregts dont les compositions révèlent les multiples facettes d’un univers sophistiqué où se croisent de la meilleure des manières la musique folk et le jazz.
Les concerts de la grande scène du Palais des Congrès ont tenu leurs promesses. Le premier soir avec la musique métissée de Supersonic du saxophoniste crooner Thomas de Pourquery qui a reçu des mains de Philippe Villa, le Grand Prix de composition 2022 de l’Unac. Le suivant, avec le trio du pianiste-vocaliste Meddy Gerville qui a proposé une synthèse féconde du jazz et du mayola nourrie par le groove dispensé par le bassiste Johan Saartave et le batteur Emmanuel Félicité. Et le dernier avec le pianiste-compositeur norvégien Espen Berg qui a exploité le format original de son sextette (trompette, violon, alto, violoncelle, batterie) pour créer des couleurs sonores inédites livrant les nuances de ses compositions inspirées par le folklore nordique, la musique classique et le jazz.
Ajoutons que chaque soir, les amateurs pouvaient terminer en beauté une journée de musique pour se retrouver à l’Artview dans des showcases animés par les groupes Second Brain, Cocoolite et Ishkero . La cuvée 2022 de Jammin’ Juan propose donc une vue pertinente de la scène actuelle du jazz tel que la représentent les jeunes musiciens d’aujourd’hui dont certains porteront haut les couleurs du jazz dans les grands festivals de demain.
Texte : Alain Tomas
Photos © Fred Laurès