Nikki Giovanni (1943-2024)
11.12.2024
;
Hommages aux artistes et personnalités disparus récemment.
Arrangeur, producteur, auteur-compositeur : avec Kenny Gamble et Leon Huff et à leur égal, Thom Bell incarne l’âme de la soul de Philadelphie, et seule sa discrétion naturelle – et le fait qu’il n’ait jamais eu de disque à son nom, ni de label personnel – explique que sa réputation n’a pas autant atteint le grand public.
Né le 26 janvier 1943 à Kingston, en Jamaïque, c’est à Philadelphie qu’il grandit. Prodige précoce, multi-instrumentiste, il suit des études de musique classique et se rêve chef d’orchestre, tout en se passionnant pour le R&B, qu’il pratique brièvement au sein des Romeos, un groupe local emmené par Kenny Gamble. S’il ne renonce pas immédiatement à une carrière d’interprète – il publie en 1962 avec Gamble un single sous le nom de Kenny & Tommy –, c’est du côté des coulisses qu’il trouve sa réelle vocation, d’abord en tant que directeur musical du groupe de scène de Chubby Checker puis en intégrant l’équipe salariée du label de celui-ci, Cameo-Parkway, travaillant comme auteur-compositeur et arrangeur – parfois en lien avec Kenny Gamble, encore – sur des disques de Checker et des Orlons. Il travaille aussi ponctuellement avec d’autres maisons de disques, écrivant et produisant pour Brooks O’Dell, Frankie Beverly And The Butlers, Inez & Charlie Foxx…
Quand Cameo-Parkway ferme ses portes à la fin des années 1960, il met son talent au service de différents labels dont Mercury et Atlantic. Si son travail d’arrangeur sur l’album “The Ice Man Cometh” de Jerry Butler, produit par Kenny Gamble avec son nouveau partenaire Leon Huff, lui permet de se faire remarquer, c’est avec un petit groupe de Philadelphie, les Delfonics, qu’il connaît réellement le succès et impose sa patte artistique. Signés sur le petit label Philly Groove Records, les Delfonics, avec qui Bell travaille depuis plusieurs années, explosent avec la réussite commerciale et artistique d’une série de singles coécrits, coproduits et arrangés par Bell : Ready or not here I come (Can’t hide from love), La la means I love you et Didn’t I (Blow your mind this time).
Dans la foulée de cette réussite, il refuse de s’attacher à un label spécifique, et travaille aussi bien pour Avco, avec les Stylistics, que pour Atlantic, avec les Spinners, sans oublier le nouveau label lancé par Kenny Gamble et Leon Huff, Philadelphia International Records. À partir de la fin des années 1960, il contribue à une série de chefs-d’œuvres : I’ll be around pour les Spinners, Only the strong survive pour Jerry Butler, You are everything pour les Sylistics, Back stabbers pour les O’Jays… En parallèle, ses chansons sont largement reprises : les Jackson 5, Aretha Franklin, Dusty Springfield, Nancy Wilson et Kool & the Gang, entre autres, puisent dans son répertoire.
Reconnu comme un producteur à succès, il travaille avec des artistes établis comme Johnny Mathis, Lou Rawls et Dionne Warwick, mais aussi avec Elton John, tout en continuant à produire ses protégés les Spinners et les Stylistics et, plus ponctuellement, des artistes PIR comme Teddy Pendergrass ou le MFSB. Il poursuit sa trajectoire avec d’autres réussites dans les années 1980 avec, entre autres, Deniece Williams (It’s gonna take a miracle), Phyllis Hyman (Old friend) et les Temptations. S’il ouvre la décennie suivante avec l’énorme tube I don’t have the heart chanté par James Ingram, il se fait ensuite plus discret, laissant son énorme catalogue de chansons vivre sa vie, entre reprises et samples.
Photo © Ace Records
Née dans le Mississippi, Bertha Barbee-McNeal grandit à Flint, dans le Michigan. Pianiste prodige dès l’enfance, elle se lance dans des études de musique à la Western Michigan University de Kalamazoo. C’est là qu’avec une autre étudiante, Mildred Gill Arbor, elle fonde un groupe vocal qui se baptise les Velvelettes. Par le biais d’un camarade de classe qui se révèle être le neveu de Berry Gordy, le groupe auditionne pour Motown, et commence à enregistrer pour le label début 1963.
Le premier 45-tours, There he goes, écrit et produit par Smokey Robinson – avec un solo d’un Stevie Wonder débutant – paraît sur une marque annexe, IPG Records. Le single suivant, Needle in a haysack, produit par Norman Whitfield, sort sur V.I.P., une autre marque annexe de Motown, mais entre dans le classement R&B et dans le Top 100, de même que He was really sayin’ somthin’, qui sort quelques mois plus tard.
À défaut de décrocher le tube majeur qui aurait fait d’elles des stars, les Velvelettes, qui publient plusieurs singles en 1965 et 1966, tournent régulièrement avec leurs collègues de label, assurant souvent la première partie. Sans doute lasse de l’absence de succès, Bertha quitte le groupe – qui continue encore sa trajectoire quelques années – en 1967 et reprend ses études de musique, devenant une enseignante très réputée. En 1984, elle participe à la reformation du groupe, qui devient une figure du circuit de la nostalgie soul tant aux États-Unis qu’en Angleterre.
À la fin des années 1980, le groupe est de l’aventure Motorcity et en profite pour enregistrer son premier album, “One Door Closes”. En 2004, Motown leur consacre une “Motown Anthology” en deux CD, avec de nombreux inédits, et le quartet retrouve le micro une dernière fois pour l’anthologie “Masters of Funk, Soul and Blues Present a Soulful Tale of Two Cities”, où elles reprennent le One of a kind love affair des Spinners. Tout en continuant à se produire régulièrement avec le groupe, elle enseignait toujours au Helen Fox Gospel Music Center de Kalamazoo.
Originaire de Détroit, c’est en Californie, et en particulier au légendaire Golden Bear d’Huntington Beach, que le bassiste Willie J. Campbell approfondit sa découverte du blues. Il ne tarde pas à monter ses propres groupes, le Southern Select Blues Band puis les Red Devils, une première mouture de l’ensemble emmené par Lester Butler.
Au début des années 1980, il intègre l’orchestre de James Harman, apparaissant sur son premier album, “Thank You Baby” et sur les “Those Dangerous Gentlemens”, “Extra Napkins – Strictly The Blues… Vol. 1” et “Strictly Live… In ’85! Vol. 1”. Il rejoint ensuite les Passions du chanteur Lee McBee, qu’il retrouve ensuite au sein du Crawl de Mike Morgan, et enregistre avec Kid Ramos avant d’intégrer les Fabulous Thunderbirds, où il reste six ans, le temps de participer à l’album “Live”.
Dans les années 2010, il passe plusieurs années au sein des Mannish Boys, apparaissant sur plusieurs de leurs albums, “Shake For Me” et “Double Dynamite”, ainsi que sur plusieurs projets produits par Randy Chortkoff avec Big Pete, Smokin’ Joe Kubek & Bnois King et Sugaray Rayford. Il intègre ensuite un autre all-stars, les Proven Ones, avec Anthony Geraci, Brian Templeton, Jimi Bott et Kid Ramos, son camarade de jeu depuis l’époque du groupe de James Harman.
Atteint de sclérose en plaque, il avait révélé il y a quelques mois sa situation, annonçant qu’il lui restait « encore un disque en lui ». Pour ce “Willie J. & Friends” qui devait être produit par Templeton et Ramos, la liste d’amis attendus comprenait entre autres les noms de Kim Wilson, Sugar Ray Rayford, David Hidalgo, Janiva Magness, Anson Funderburgh, Mike Morgan, Shawn Pittman, Jimmie Wood… Il n’est pas certain hélas qu’il ait eu le temps de réaliser ce projet annoncé en septembre dernier.
Originaire de Dallas, c’est à Memphis et sous la houlette de Tommy Cogbill que le chanteur et guitariste Sammie Hutchins fait ses débuts discographiques au milieu des années 1960 sur le label Mala, avant de publier quelques singles sur AGP, le label commun de Chips Moman, Tommy Cogbill et Don Crews.
Il tourne alors en première partie de ses collègues de label les Masquerader. Quand le groupe rencontre des difficultés avec son chanteur principal Lee Jones, Hutchins joue un rôle de suppléant, avant d’intégrer pleinement le groupe aux environs de 1969. Il participe aux disques suivants, assurant en particulier la voix principale du Wake up fool produit par Darryl Carter pour le label HI et apparaissant sur les deux albums du disques produits par Isaac Hayes au milieu des années 1970 ainsi que sur le 33-tours éponyme paru en 1980 sur Bang.
Le groupe se sépare par la suite et Hutchins devient chauffeur routier. Il ne participe pas à la reformation du groupe, qui se retrouve dans les années 1990 mais se contente essentiellement de prestations scéniques, mais les retrouve ponctuellement le temps de certains concerts, ainsi qu’à des occasions exceptionnelles, comme leur participation au concours de talent télévisé America’s Got Talent en 2017 ou leur apparition en tant qu’invités sur l’album “99 Cent Dreams” d’Eli Paperboy Reed.
Originaire du Ghana, le batteur et percussionniste Sol Amarfio se fait remarquer sur la scène musicale locale avant de s’installer au début des années 1960 à Londres, où il retrouve d’autres musiciens de même origine avec qui il tourne dans toute l’Europe. À la fin de la décennie, il fonde avec d’autres musiciens originaires d’Afrique et des Caraïbes le groupe Osibisa, qui commence à enregistrer au tout début des années 1970 et devient un groupe très influent, avec sa musique qui emprunte autant au funk – sous influence clintonienne en particulier – qu’aux sons africains. Il participe aux activités du groupe au moins jusqu’aux années 1990 avant de retourner s’installer au Ghana.
S’il s’est fait connaître du grand public par ses musiques pour le cinéma et la télévision, notamment dans l’univers de David Lynch, c’est en tant qu’auteur de chanson que Angelo Badalamenti commence sa carrière au début des années 1960. Ses compositions sont notamment enregistrées par Roy Hamilton, Della Reese, Nancy Wilson, Ruby Winters, George Benson, Irene Reid, Spanky Wilson, les Delfonics, Dee Dee Warwick, Melba Moore, Barbara Mason, The New Birth, et Nina Simone (I hold no grudge, repris il y a quelques années par Bettye LaVette).
Originaire du Pays de galles, le chanteur et guitariste Kim Simmonds lance fin 1965 son Savoy Brown Blues Band. Le groupe ne tarde pas à se faire remarquer sur la scène du blues boom british et publie quelques singles puis un premier album produit par Mike Vernon sur Decca composé de reprises empruntées entre autres à Willie Dixon et John Lee Hooker. L’ensemble ne tarde pas, cependant, à se tourner vers le rock, abrégeant son nom du “Blues Band” et menant une prolifique carrière – un dernier album est paru en 2020 –, essentiellement aux États-Unis.
Membre fondateur du Dirty Dozen Brass Band – il y joue de la caisse claire –, Jenell Marshall participe aux activités du groupe dès le premier album, “My Feet Can’t Fail Me Now”, et jusqu’à la fin des années 1990 (“This Is Jazz” en 1997), tournant à plusieurs reprises en Europe.
Contributeur de longue date à nos collègues britanniques de Blues & Rhythm, Tony Watson en assurait également la réalisation physique ainsi que la gestion administrative.
Textes : Frédéric Adrian