Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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4 octobre 2023.
Billy Valentine est un chanteur extraordinaire. Tous ceux qui ont écouté son dernier album, “Billy Valentine And The Universal Truth”, paru en début d’année et salué du Pied dans Soul Bag, le savent, et les spectateurs du New Morning en ont eu une éclatante confirmation à l’occasion de la première date de sa tournée européenne, qui passait aussi par Toulouse, Nancy et La Rochelle – il s’agit d’ailleurs a priori de son premier vrai concert en France.
Outre son timbre personnel, ses talents d’interprète lui permettent, à la façon d’une Bettye LaVette, de s’approprier et de faire sien des compositions aussi marquées par leur interprète original que We the people who are darker than blue ou You haven’t done nothin’ et de trouver un terrain musical commun qui unifie le gospel traditionnel de Wade in the water, le jazz spirituel de The creator has a master plan et le funk princier de Sign o’ the times. S’il n’a finalement que peu enregistré sous son nom, se contentant d’un rôle plus discret en arrière-plan, voire en coulisse, il est visiblement très habitué à la scène, et joue du micro avec la dextérité d’un Sinatra – une de ses évidentes influences.
Bénéficiant d’un volume sonore particulièrement modéré, il en profite pour oublier régulièrement toute amplification, se contentant de sa propre puissance pour faire passer son message sans pour autant en faire un numéro de force. Sans surprise, c’est le répertoire de l’album, intégralement composé de reprises, qui constitue le cœur de son récital, complété par quelques autres relectures – un très beau Lady Day and John Coltrane en ouverture, par exemple – et même deux clins d’œil à son passé avec des classiques issus du répertoire des Valentine Brothers, l’incontournable Money’s too tight (To mention) et This kind of love (Is so special).
Ce qui aurait pu être un des grands concerts de l’année a cependant été en partie gâché par les faiblesses de l’orchestre qui accompagnait Billy Valentine. Si tous sont des pointures réputées de la scène britannique (Crispin Taylor à la batterie, Ernie McKone à la basse, Terry Lewis à la guitare et Graham Harvey aux claviers), leur registre de prédilection est la soul classique, et ils sont globalement à côté de la plaque sur les compositions les plus complexes : si le groove de Money’s too tight (To mention), leur est évidemment naturel, les subtilités de The creator has a master plan sont clairement en dehors de leur champ de compétence… Toujours brillant au sein de Mamas Gun, Terry Lewis semble par moment complètement dépassé, et ses solos sur The creator has a master plan et My people… hold on – deux titres sur lesquels l’absence d’un saxophoniste dans l’orchestre se fait particulièrement ressentir – enchaînent les clichés et les plans blues rock incongrus.
L’absence de répétition se fait également sentir par moments, imposant à Valentine de dialoguer par signes avec des musiciens qui semblent ne pas trop savoir comment terminer les morceaux. De façon évidente, ce manque de répétition se traduit dans le choix de certains titres extérieurs à l’album et inclus dans le spectacle sans doute pour leur évidence, qu’il s’agisse de What’s going on ou de A change is gonna come, bien joués et bien chantés mais sans grand-chose de neuf à apporter, ou d’une reprise en piano-voix de Georgia on my mind qui relève plus du cabaret que du registre exigeant du reste du concert.
Ces regrets ne retirent pas grand-chose à la qualité de la prestation de Billy Valentine. Personne n’espérait raisonnablement qu’il vienne en Europe avec l’orchestre de luxe de l’album, mais, la prochaine fois, un groupe plus en phase avec sa musique serait sans doute nécessaire afin qu’il puisse déployer pleinement son art.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © J-M Rock’n’Blues
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