Jaz Karis, La Boule Noire, Paris, 2025
05.03.2025
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29 septembre 2023.
Découverte pendant les confinements grâce à ses vidéos de reprises de classiques soul, confirmée par une série de singles brillants et un premier album très réussi (lire notre chronique), la chanteuse originaire de La Nouvelle-Orléans et basée à Londres (interviewée dans notre numéro 246) avait assuré quelques dates à l’été 2022 au festival MNOP en format réduit, mais, pour sa première date parisienne, c’est avec son groupe au grand complet – cuivres et choristes ! – qu’elle se présente sur la scène du Bizz’Art.
Comme sur l’album, c’est avec Sugar woman qu’elle commence le show. Dirigé par le guitariste Emlyn Francis, collaborateur régulier de la chanteuse, l’orchestre, composé de pointures britanniques (Andrew Noble aux claviers, Westley Joseph à la batterie, Ernie McKone à la basse, Shanti Paul Jayasinha à la trompette, Alex Garnett au saxophone et les choristes Chrissie Eshun et Celia (aka Chocscee)), est parfaitement au point et bénéficie d’arrangements soignés, à la hauteur de ceux du disque, qui mettent en valeur le chant de la vedette, qui ne cache pas son émotion de se produire enfin à Paris.
Bien qu’elle soit une habituée de longue date de la scène, Acantha Lang se contente d’une présence assez discrète, se concentrant sur sa voix et ses interprétations plutôt que sur un jeu de scène élaboré – il faut dire que la petite taille de la scène du Bizz’Art limite aussi ses capacités de déplacement. Elle n’a de toute façon pas besoin d’autre chose que de son chant et de son répertoire pour entraîner dans son univers un public chaleureux et motivé – dont une large part semble d’ailleurs familière de ses chansons. Sans surprise, c’est le répertoire de l’album qui constitue le cœur du programme de la soirée, dans des versions proches de celles du disque, avec en particulier une lecture très intense du très beau River keep runnin’. Lois Lang, dédié à sa mère, est également un beau moment d’émotion.
Quelques emprunts bien choisis s’intercalent entre les compositions originales. Si Lang n’a pas grand-chose à ajouter à What’s going on, sa reprise en mode funk du Grandma’s hands de Bill Withers est une belle surprise, de même que l’exhumation de l’obscur Cramp your style de All The People (qui ouvre la compilation “Miami Sound (Rare Funk & Soul From Miami, Florida 1967-1974)” sur Soul Jazz) ou la façon dont elle rend hommage à Millie Jackson avec un tendre If you’re not back In love by monday. Elle se permet même de s’attaquer de fort belle façon au sommet vocal rarement repris qu’est le Blind, cripple & crazy d’O.V. Wright.
He said she said, une des chansons les plus marquantes de l’album fait office de final, mais Acantha Lang ne tarde pas à revenir, d’abord pour un duo improvisé avec le rappeur-beatboxeur Eklips (connu notamment pour sa collaboration avec NTM) avec qui elle a partagé la scène lors de ses années cabaret, puis pour une dernière chanson avec l’orchestre. L’ensemble, soutenu par un public à la hauteur de l’évènement comme toujours au Bizz’Art, est une immense réussite, qui fait espérer qu’elle puisse se produire régulièrement – et bientôt ! – sur les scènes des clubs et festivals français.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot