Al Smith ne doit pas sa (relative) notoriété à ses qualités de contrebassiste, instrument qu’il délaissa assez vite, mais plutôt pour avoir su rassembler et conduit une petite formation assez stable et aux éléments de grande valeur. Citons les saxophonistes Red Holloway et Lucius “Little Wash“ Washington (également harmoniciste sur un titre surprenant), le guitariste Lefty Bates, le pianiste Horace Palm, le bassiste Quinn Wilson et le batteur Al Duncan.

Outre ses enregistrements personnels, Al Smith dirigea avec son combo de nombreuses séances pour les artistes des labels avec lesquels il collabora à Chicago, d’abord Chance puis Vee-Jay et ses satellites Falcon et Abner. La sélection de Jasmine éclaire ces aspects de sa carrière avec une sélection de titres instrumentaux, mettant bien en valeur les individualités susnommées dans un contexte oscillant entre blues (Fooling around slowly), rhythm and blues (Annie’s answer, en référence à Hank Ballard) et jazz (Living with Vivian). Les vocalistes illustrent aussi les styles en vogue dans les fifties avec plus ou moins de bonheur, de l’excellente et pétulante Big Bertha Henderson au groupe doo-wop The Lyrics, rebaptisés The Falcons (sans connexion avec ceux de Détroit), en passant par Charles Gonzales/Bobby Prince, Dizzy Dixon, les Dells, Larry Birdsong et même Junior Parker, pour ses deux seuls titres Duke sous la houlette d’Al Smith.

À la fin des années 1950, il ne s’investit plus à la tête de son orchestre, préférant superviser de nombreuses séances Vee-Jay, notamment pour Jimmy Reed, un ami d’enfance dont il devint le manager exclusif, le faisant ensuite signer sur BluesWay, un label dont il devint un des producteurs les plus actifs. Une carrière riche et méconnue que Gérard Herzhaft avait documentée (cf. SB 188) et dont cette anthologie révèle la genèse.

Jacques Périn

Note : ★★★
Label : Jasmine
Sortie : 11 avril 2023