Carnet de voyage : Tennessee, octobre 2024
20.12.2024
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16 mai 2019.
Il y a dix ans déjà, l’album “Bird Head Son” comme le nom d’Anthony Joseph attisaient pour la première fois notre curiosité. Un visuel en forme de clin d’œil hommage au meilleur live de Taj Mahal (“The Real Thing”) et cette nouvelle voix venue de Londres. Un poète-slameur enraciné dans les cultures de Trinidad et plus largement celles de la Caraïbe, des élans funk servis par un Spasm Band où l’on trouvait notamment Joseph “Defunkt” Bowie et Keziah Jones… Cet album avait plus d’un atout pour recueillir les bravos de votre revue favorite. Et c’est logiquement ce qui se passa en 2009 !
C’est donc au New Morning que l’on revient souffler les bougies et goûter une fois encore au plaisir de voir et d’entendre l’un des artistes phares du label Heavenly Sweetness. Avec un peu de retard sur l’horaire prévu, épaulé par groupe complet (six musiciens dont, date parisienne oblige, Florian Pellissier), Anthony Joseph déboule sur scène. Chapeau vissé, sifflet de carnaval autour du coup, plein d’énergie et la mine visiblement réjouie, il annonce le programme de la soirée : un set consacré à “Bird Head Son”, le prétexte à cette soirée et un second réservé au nouvel album, “People Of The Sun”.
Ce sont ainsi les notes de Jungle, Bird head son, Conductors of his history, Blues for cousin Alvin qui ont vibré et résonné lors cette première heure de show. Des titres qu’une bonne partie du public semblait avoir bien en tête au jugé du balancement général des silhouettes, quand d’autres les découvraient dans leurs versions live pour la première fois. Un tour de cadran jusqu’à un premier final et cette captivante version de Vero (et ses échos à la Gil Scott-Heron) qui nous rappelle qu’Anthony Joseph a toujours su s’entourer d’un parfait casting (dont ces incroyables envolées free de Jason Yarde au saxophone).
Si break il y eu le temps de reprendre un peu nos esprits et un godet, c’est un nouveau set quasi sans coupures qui dévoila cette fois les relectures en direct de “People Of The Sun”. Tel un mix continu qui épouse à merveille les riches grooves et le flow si particulier du natif de Port of Spain. Une méthode qui vous tient en haleine et qui renforce définitivement le propos et le verbe. Soit la matière première d’Anthony Joseph, combinant cet anglais et ce slang caribéen qu’il scande tout au long des morceaux.
Spoken word, poésie, chanté-parlé sont habillés de compositions élastiques. Gorgés de funk, de jazz et de ces pulsations et polyrythmies afro-caribéennes, les effets escomptés là aussi ont naturellement fait chalouper la salle pendant deux généreuses heures. Si bien lancé en orbite, on a même continué encore un peu avec un ultime rappel aux couleurs de rapso et de calypso. Deux genres musicaux originaires de Trinidad et que l’on sait chers à ce charismatique chanteur et jongleur de mots.
Aussi riche et exigeante qu’elle soit, la musique que propose Anthony Joseph & the Spasm Band est en définitive facile d’accès. Si aucun “tube” ne se glisse dans la setlist, ce qui est donné à voir et à entendre ce soir dépasse amplement le cadre des férus de grooves exotiques. De ceux qui lorgnent les vinyles originaux de Brother Valentino, de Brother Resistance et autres gloires du passé trinidadien dont on pourrait considérer Anthony Joseph comme l’héritier direct.
Public cosmopolite, paritaire et intergénérationnel. Des bons mots et du bon son, que demander de plus ? Avec un tel programme, Soul Bag y retournera sans hésitation pour les 20 ans de l’album… Et probablement avant.
Line-up : Anthony Joseph (voix), Andrew John (basse), Jason Yarde (saxophone), Thibaut Remy (guitare), Richard Olatunde Baker (percussions), David Bitan (Batterie) + invité : Florian Pellissier (claviers).
Texte : Julien D.
Photos © WAD