Ce disque marque la troisième collaboration d’affilée entre Bettye LaVette et le batteur Steve Jordan. Sa particularité : être exclusivement composé de reprises de Randall Bramblett, songwriter multi-instrumentiste dont la célébrité est inversement proportionnelle à la somme des talents (14 albums, la plupart excellents ; tournées aux côtés de Gregg Allman et Traffic ; collaborations avec Bonnie Raitt, Elvin Bishop, Bonnie Bramlett…). 

Jordan a convoqué un casting de rêve : Steve Winwood, Anthony Hamilton, John Mayer, Jon Baptiste. Organique, chaleureuse, riche sans être étouffante, sa production est un bonheur de simplicité et de respiration. Complété par la basse serpentine de Pino Palladino, son jeu puissant et relâché constitue le cœur battant d’un répertoire cousu main pour une artiste qui n’a rien perdu de son légendaire charisme. Quelle classe ! Quel sens de l’incarnation ! Il faut écouter l’élégance cabossée avec laquelle elle interprète la complainte country soul In the meantime, son timbre grainé, déchiqueté, son placement titubant, en équilibre précaire sur une ligne de crête émotionnelle. L’histoire de sa vie en sorte : souvent touchée, jamais coulée. La résilience faite femme, à l’image du dernier morceau, It’s alright, bouleversante ballade aux délicieux reflets gospel.

Ailleurs, Bettye apparaît en pleine forme, combative même, que ce soit dans les blues rock sensuels (See through me), le rock ’n’ roll hargneux (la morgue avec laquelle elle déclame Don’t get me started, l’élasticité du refrain voix-rythmique, bon sang !), le funk épuisé à la Sly Stone (le groove sexy de Lazy), les allusions à James Brown (l’extraordinaire Mess about it, ponctué d’incroyables parties de clavier électrique) ou le blues, bien sûr, ce blues qui imprègne tout ce qu’elle chante et qui trouve sa manifestation la plus aboutie dans Plan B, que l’on jurerait avoir été écrit pour elle.

Ulrick Parfum

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Jay-Vee
Sortie : 16 juin 2023