Ronnie Foster, New Morning, Paris, 2024
06.11.2024
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29 septembre 2024.
Dans le monde de plus en plus restreint de la scène britannique dite “de blues”, qui n’a pas viré sa cuti au profit d’une pratique plus rock ? Big Joe Louis, aujourd’hui le seul rescapé du Londres créatif roots que j’ai connu vers la fin des années 1960 et bien au-delà, dominées par le label de Mike Vernon, Blue Horizon (1965-1972), et l’engouement d’un public jeune de tous horizons sociaux, illuminé par les révélations des Mayall, Clapton, Gallagher (ah, Taste au Marquee en 1969 !) et autres Chicken Shack ou Pretty Things pré-psychédéliques, gardiens du temple blues ouvert par des Rolling Stones soucieux de préserver l’héritage afro-américain. C’était excitant.
De la défunte Station Tavern (sous le métro) aux festivals européens – il était populaire en Flandre belge, qui ne manque pas de cafés non plus – au Rat Hole proche de la gare de King’s Cross ou du mini Ain’t Nothin’ But The Blues au Rockin’ Race Jamboree de Torremolinos (2024, lire notre live report) Big Joe Louis a su conquérir tous les publics en ne déviant pas une seule fois de ses choix : offrir et transmettre du country blues électrifié Mississippi ou Chicago joué finement au doigté, sans compter des vocaux naturels dignes de ce nom.
Le dimanche soir, son home of the blues se situe dans le quartier branché de Shoreditch, à la Blues Kitchen, une vaste taverne aménagée en “faux joint” manifestement conçue par des architectes d’intérieur, depuis l’îlot central aux bouteilles éclairées jusqu’aux alcôves design à la gloire d’un bluesman historique. Quant au trajet menant aux toilettes, il fait figure d’exposition permanente d’affiches néo-rétro collées sur de la tôle ondulée, genre street trash de luxe. On peut en sourire, mais qu’est-ce que c’est bien fait ! Dans un coin de la salle principale, une petite scène sombre aux spots tamisés.
Ce soir-là, donc, ses copains-accompagnateurs se nomment Big Creek Slim (vo, g) et Dexter Shaw (contrebasse). Répertoire ? Du pur jus de terroir et non du tord-boyaux alambiqué : Let me play with your poodle, That’s alright, Dirty little mama (précisé en style Yazoo sans les craquements du 78-tours), Wintertime blues, Shake your booty woogie, Movin’ to Kansas City… Deux sets délicieusement passéistes à la Gordon Smith-Duster Bennett-Dave Kelly. Final avec des habituées du style coin de feu : Francesca Shaw (contrebasse ) et, je note, l’imposante Dawnette Fessey (vo) qui doit cultiver une culture gospel. Ne manquait que la regrettée Jo-Ann Kelly, probablement la chanteuse de country blues la plus douée de cette génération Blue Horizon.
Belle soirée d’anniversaire (79 ans le jour même) : Big Joe me le souhaita en musique, of course. Entrée libre, prix des plats et boissons non indexés, ni chapeau ni coin à souvenirs. Dur dur d’être un vétéran britannique. Néanmoins, nous nous souhaitâmes bon vent et belles rencontres pour les prochaines années…
Texte et photos : André Hobus