Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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12 au 15 juillet 2023.
L’édition 2023 du Cahors Blues Festival était attendue par les fans, tant il est agréable de se retrouver dans un ville où, au-delà du site même du festival, il fait bon se promener pour admirer les bâtiments, les petites rues et leurs jardins cachés et profiter de la cuisine locale. Après la durée spéciale anniversaire de 6 jours en 2022, le programme 2023 apparaissait plus réduit mais c’était un trompe-l’œil car, comme tous les ans, il y avait de quoi se remplir les oreilles.
Tout commence le Mercredi 12 juillet avec les demi-finales du Mississippi Blues Trail Challenge. Huit groupes sont présentés pour quatre places en finale. Le duo acoustique Mathieu Haug & Benoît Nogaret lance le concours avec un répertoire de country blues enjoué porté par la voix instantanément reconnaissable de Mathis et la guitare dynamique de Benoit. Elise & the Sugar Sweets leur succèdent et sont solides et convaincants grâce à leur soul blues contemporain maîtrisé. Puis c’est le tour de Miss Bee & the Bullfrogs dont le set blues et funk montre qu’ils continuent à se bonifier, emmenés par la voix pure et puissante et le saxophone de Maëlys Baey, la guitare de Jean Guichemerre et le drive de Chacha Angela à la batterie. An Diaz & Yokatta Brothers marquent aussi par la forte présence vocale et physique d’An qui vit littéralement leur blues à la fois ancien et moderne. Le morceau Yokatta chanté collectivement est un bon moment.
Marjorie’s Blues Machine est plus blues rock et bénéficie là encore de la jolie présence de Marjorie Martinez au chant et à la guitare. Le trio Mazingo va de suite capter le public avec ses compositions rock, pop, blues, folk, et l’aura dégagée par les trois compères, Andrez Mazingue, Alexis Reoutsky et Félix Bourgeois. La place est chaude pour la grosse machine d’Haylen, qui démarre au quart de tour avec un son et un set rock et pop musclés. Le blues aux touches orientales plus intimiste de Strange O’Clock, voix, calebasse et guitare, apparait bien calme après cela, mais s’impose doucement, notamment grâce aux belles notes bleues de la guitare.
Après délibération, le jury sélectionne Mathis Haug & Benoit Nogaret, An Diaz & Yokatta Brothers, Mazingo et Haylen pour la finale du lendemain.
Jeudi 13 juillet, nous commençons avec White Feet, duo emmené par Nasser Ben Dadoo. Voix grondante, guitare entre notes bleues et orientales, basse à six cordes, percussions en boucle compositions et reprises fondues dans une interprétation personnelle, tout est délivré avec un contact humoristique. La soirée débute avec la finale du Mississippi Blues Trail Challenge. Les quatre groupes sont visiblement boostés par les circonstances et se donnent généreusement. Haylen en particulier franchit une étape avec un titre en français et une reprise de Lazy Lester. Tous remporteront des prix offerts par les membres du jurys issus de festivals partout en Europe :
Bennicassim Blues Festival (Espagne) : Haylen
Augustblues Festival (Estonie) : Mathis Haug & Benoît Nogaret
Thrill Blues Festival (Croatie) : Mathis Haug & Benoît Nogaret
Baden Blues Festival (Suisse) : Mathis Haug & Benoît Nogaret
Bluestracje Festival (Pologne) : An Diaz & Yokatta Brothers
Suwaki Blues Festival (Pologne) : Mazingo
Leman Blues Festival (France) : Mazingo
Albret Jazz Festival (France) : Mazingo + Mathis Haug & Benoît Nogaret
Brezoï Open Air Blues Festival (Roumanie) : Mazingo
Salaise Blues Festival (France) : Mazingo
France Blues (France) : Mazingo
Cahors Blues Festival : Haylen
Place ensuite au Swing Machine Big Band, orchestre de jazz généreusement cuivré, créé en 1969, avec la chanteuse Teeny Tucker en invitée spéciale. Alléchante sur le papier, l’affiche s’avère en deçà des espérances sur scène. Le blues ne semble pas être une pratique habituelle de l’orchestre, le son du guitariste étant par exemple hors du coup, et l’alliance avec Teeny Tucker manque de liant. De plus, la chanteuse lit au moins une partie des paroles sur une tablette, ce qui entrave la spontanéité et le lâcher-prise. L’effet grand orchestre, avec ses arrangements travaillés, génère tout de même de belles séquences qui entretiennent l’intérêt.
Vendredi 14 juillet, jour de fête nationale, la Toulouse Blues Society anime l’après-midi avec un plateau de trois groupes qui commence avec l’International Crossroads Project, composé de (très) jeunes artistes blues français et américains. Leur blues rock de qualité impressionne vite, chanté par Alyssa Galvan, qui joue aussi de la guitare, mais aussi par le guitariste Valentin Vasseur, qui prend des solos tranchants, et rythmé par la paire Lucas Lopes-Matéo Perfetti. Viennent ensuite deux groupes de briscards, Boogie Boolga et Jay’N’Bop, qui ne se posent pas de questions et envoient du pub blues rock sous contôle destiné à prendre du bon temps.
Le Slim Paul Trio ouvre la grande scène et fait monter le son de plusieurs crans. Voix et guitare puissantes, rythmique à l’unisson, il faut se concentrer pour apprécier les quelques nuances qui restent néanmoins présentes. L’espace est bien chaud pour accueillir les Cinelli Brothers. Ceux qui les ont déjà vus savent, les autres sont très vite estomaqués par le talent des quatre compères, Marco et Alessandro Cinelli, Tom-Julian Jones et Steph Giry et la fougue du spectacle qu’ils proposent dès les premières secondes, avec leurs harmonies vocales et leurs fameux changements d’instruments, parfois acrobatiques. Ils jouent des morceaux phares, Chew my gum, Married woman, No place for me, mais aussi des reprises de Rory Gallagher et Ry Cooder, et concluent comme souvent par un rock endiablé.
Joe Louis Walker est une grande figure du blues et le revoir, même amoindri par des soucis de santé, est un plaisir. S’il n’a plus la fougue guitaristique des grandes années 1990, il n’a de toute façon cessé d’évoluer, il décoche toujours des notes bleues et des séquences instrumentales qui valent le détour. Et il y a le chanteur, à la voix unique, à la fois claire et marquée par de petites fêlures rauques, qui porte les titres du dernier album, Blue mirror, It’s a matter of time, Hello it’s the blues, et d’autres qu’il introduit tous à sa façon : « Le prochain morceau est à propos d’un divorce. Parfois les choses s’arrangent, parfois non. Là, elle se sont arrangées car j’en ai tiré une chanson. » Un shuffle rapide en hommage à Peter Green puis c’est le rappel avec un gros rocking blues avec riffs saignants.
La soirée aurait pu s’arrêter là mais l’organisation du festival a prévu un “after” sur la scène du village avec le duo Alonso Sanders et Eric Edwards, tous deux chanteurs et multi-instrumentistes, soutenus par des rythmiques et des sons pré-enregistrés. Ils connaissent leur affaire et savent doser leur set entre reprises de standards et autres, solos solides, et spectacle. Le public reste nombreux et danse jusqu’à une heure avancée.
La suite sera moins enjouée pour moi, frappé par un soudain épanchement de synovie au genou et contraint de déclarer forfait pour le samedi alors que c’était la journée phare avec la Big Blues Bender Night. Casting de folie avec le Big Blues Bender Band, le Jimmy Carpenter Band, et leurs invités, Nick Schnebelen, Bob Margolin, Bob Corritore, Terrie Odabi, Paul Deslauriers & Annika Chambers. Tous les retours ont été dithyrambiques, entre parade dans les rues en journée, descentes dans le public en soirée, blues de folie avec les deux Bob, musique et chant de haut niveau avec tous les autres, l’événement restera gravé dans les mémoires. Heureusement, nous pouvons bénéficier ici des photos de Thierry Wakx, pour la soirée et les concerts au village de l’après-midi avec Eric Edwards & Alphonso Sanders et Wacky Jugs. Rendez-vous en 2024.
Texte : Christophe Mourot
Photos © Christophe Mourot et Thierry Wakx (photo d’ouverture et autres comme indiqué)