Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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11 novembre 2019.
Bonne nouvelle : après la relative déception dans ce domaine du concert de Sugaray Rayford, c’est un Pan Piper pas loin d’être complet qui attend Cedric Burnside, malgré une date de lundi soir férié ! De façon tout à fait logique, c’est au trio auvergno-misssippien Murdy Gurdy qu’est confié le soin d’ouvrir la soirée. En quelques années, et particulièrement depuis la publication en 2018 d’un album enregistré dans le Mississippi avec des musiciens locaux dont, justement, Cedric Burnside, l’association de Tia Gouttebel (voix et guitare), Marc Glomeau (percussions) et Gilles Chabenat (vielle à roue) n’a cessé d’imposer sa lecture particulière du blues sur les scènes de France et désormais au-delà. Le groupe se prépare d’ailleurs (après une date parrainée par Soul Bag le 18 janvier au Triton) à aller se produire à La Nouvelle-Orléans dans le cadre de la prestigieuse Folk Alliance International Conference…
Sur scène, l’ensemble dissipe immédiatement tout doute quant à la pertinence de sa démarche : loin d’un projet conceptuel, l’alliance de la vielle à roue et d’une configuration blues, sur un répertoire de standards raciniens – avec même un petit détour gospel – est naturelle, Gilles Chabenat occupant bien souvent la place qui aurait été dévolue à un harmoniciste dans une configuration traditionnelle mais imposant la singularité du son de son instrument. Seul le chant de Tia Gouttebel – plus Sue Foley que Jessie Mae Hemphill, et ce n’est pas un défaut – sonne par moment un peu incongru – sur le Going down South de RL Burnside par exemple – sans pour autant nuire à l’impact de l’ensemble, bien accueilli par un public qui semble d’ailleurs en bonne partie déjà familier de sa musique.
Pas de cérémonial pour l’entrée sur scène de Cedric Burnside qui déboule sans introduction et s’assoit pour débiter en solo et en acoustique une série de standards du Delta, dont plusieurs titres empruntés au répertoire familial comme Just like a woman ou Mellow peaches. Souriant et décontracté, l’héritier ne cherche pas à copier la menace implicite du chant de son grand-père, et une certaine souplesse vocale remplace la brutalité de l’approche de celui-ci. Cela n’enlève rien à la profondeur de ses interprétations, d’autant que son jeu de guitare, tout en finesse et en expressivité, vient les enrichir considérablement, sans jamais tomber dans les clichés du genre.
Au bout d’une petite demi-heure, Burnside décide de passer simultanément à la position debout et à l’électricité. Pour cette partie du show, il est rejoint par le batteur Reed Watson, qui est également le patron du label Single Lock Records, sur lequel est paru l’album “Benton County Relic”. Hélas, celui-ci est loin d’avoir la souplesse de Brian Jay, qui l’accompagnait sur ce même album ainsi que sur les dates françaises de janvier et dont mon camarade Benoit Gautier louait « la complicité et la complémentarité » qui l’alliait à Burnside. Bien qu’il ait semble-t-il joué avec le Rebirth Brass Band, c’est un jeu métronomique que propose Watson, plus proche du tempo immuable qui caractérisait Spam, l’inénarrable batteur du regretté T-Model Ford, que des polyrythmies flamboyantes qu’assurait Burnside quand il accompagnait à ce même poste son grand-père.
Ces contraintes rythmiques, dont Cedric Burnside ne semble pas pouvoir ou vouloir se libérer, rapprochent finalement plus sa musique de celle des différents musiciens rock qui se sont inspirés du son Hill Country blues, de type White Stripes ou Black Keys, que de celle des pionniers du genre. Bien que Burnside se consacre alors à son propre répertoire, une forme de monotonie s’installe, et il faut en fait attendre le retour de Muddy Gurdy pour un Going dow South enflammé pour que Burnside fasse enfin preuve de son potentiel en format électrique… Demi-déception, donc, surtout au vu des échos de sa précédente tournée, mais la curiosité à l’égard de sa musique reste intacte.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © J-M Rock’n’Blues
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