Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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8 au 11 juin 2023.
Jeudi 8 juin
17h15-30 : Lancement officiel. Wayne Baker Brooks (vo, g) confirme ses défauts : trop rock, répétitif, voix monotone et répertoire banal dans lequel seuls se détachent les hits de papa Lonnie.
Blind Boys Of Alabama & Bobby Rush. Curieux attelage qui fonctionne bien, l’harmonica de Bobby Rush apportant son “folk funk” de terroir au gospel show dynamique des Boys après une courte introduction en solo.
Tribute to Albert King. Un beau moment intense. Supervisés par Bruce Iglauer et disciplinés par leur puissant leader Rico McFarland (vo, g), Larry McCray (vo, g), Carl Weathersby (vo, g) et le touchant et fragile Donald Kinsey, lourdement sous oxygène (aidé par Toronzo Cannon), ces ex-accompagnateurs d’Albert King (avec aussi le claviériste Tony Llorens) font revivre ses morceaux restés populaires, avec quelques superbes échanges.
Vendredi 9 juin
Les choix impératifs commencent. Voici les miens, toutes scènes confondues.
Stephen Hull Expérience (vo, g). Cet espoir déjà vu chez nous va m’épater durant tout le festival et particulièrement le samedi soir dans ses deux sets bien gradués au studio historique Chess/Fondation Willie Dixon devant 35 spectateurs attentifs, sous le regard photographique de grands anciens. Sa section rythmique est un petit bijou d’intégration stylistique, notamment grâce à son batteur funky en phase avec le répertoire de reprises goûteuses.
Big Mike & The R’n’B Kings feat. Sierra Green. Chanteur-bassiste dynamique, il propose une version stylistiquement élargie du bon vieux R&B sans ses travers contemporains. Sa chanteuse a du punch !
Delmark : célébration de son 70e anniversaire. Ou comment faire cohabiter des bluesmen toujours verts (Bob Stroger, Willie Buck) avec deux autres générations, sous la direction de Dave Specter. Le label de feu Bob Koester peut être fier de ses acquis dynamiques : Dave Weld-Monica Myhre, Steve Bell, Nick Alexander (nettement moins enthousiasmant que son papa Linsey), Johnny Burgin, Shirley Johnson et Sharon Lewis… et des accompagnateurs comme Johnny Iguana, Roosevelt Purifoy, Larry Williams…
Nora Jean Wallace. Une diva bien entourée d’un orchestre discipliné. Nous sortons des clichés Koko Taylor.
Jontavious Willis (vo, g, hca). Il revisite avec talent le country blues trad, accompagné d’un contrebassiste. Je suis resté plus accroché que je ne le présupposais au vu de ses débuts au festival.
Eddie Taylor Family. Ils étaient censés fêter le 100e anniversaire de sa naissance. Qu’en reste-t-il, sinon le nom et des disques fondateurs ? Pénible.
Smiley Tillmon Band feat. Kate Moss. Le courant passe entre le vieux bluesman aux tonalités chaudes (vo, g) et la guitare précise, plus “mordante”, de sa soliste. Bon et convivial entre connaisseurs aguerris.
John Primer & The Real Deal. Consacré par la ville, la proclamation du maire faisant foi, le vétéran a livré un set très honorable sans surprise. Steve Bell (hca) impeccable.
Jimmy Burns (vo, g). Je l’avais par trop cantonné aux avant-programmes. Sur la grande scène, il est sorti avantageusement des clichés. Chouette.
Lightnin’ Malcolm (vo, g). Hors Delta, son style rugueux et boogie répétitif ne me parle pas beaucoup. Heureusement sa chanteuse apporta de la diversité.
Vasti Jackson (vo, g). Attaché à l’identité afro-américaine, ce virtuose s’en empare au-delà du blues et de la soul. Je ne suis pas très preneur malgré la pertinence de ses convictions.
Samedi 10 juin
Matthew Skoller & Chicago Wind. L’harmoniciste efficace et compositeur remarqué nous a manqué. Quant à sa chanteuse, Precious Taylor n’est pas la “wang dang doodle” de service. Roboratif au moment où Mississippi Heat semble stagner (vus au Kingston Mines) : Pierre Lacoque est toujours aussi leader mais le sound de son harmonica est par trop électronique, comme s’il voulait se démarquer de la concurrence.
Women in blues. Sugar Pie DeSanto, malade, a dû déclarer forfait. Sa personnalité s’est alors déclinée en chansons. Participaient : Deitra Farr, en voix malgré des problèmes de santé. Katherine Davis, la plus espiègle dans ses interprétations et Lynne Jordan en meneuse de revue féministe et entertaining. Top band où on retrouvait Sherryl Youngblood (chanteuse et batteuse blues impeccable), Joanna Connor (g) plus sobre et disciplinée que d’habitude, la jeune Radka Kasparova (g) qui se fait les griffes, Sherri Weathersby (basse tranquille mais efficace), Roosevelt Purifoy (claviers), Johnny Iguana (p) et Big Llou (vo) jouant au choriste. Belle programmation gratifiante.
Sugaray Rayford (vo). Shouting blues qui ne me touche pas. De trop grosses ficelles.
Demetria Taylor (vo). Heureusement, le Mike Wheeler Band assure, lui.
Mud Morganfield. Suis-je blasé ? Après deux titres vaguement soul blues gospel, dont un à la basse (qu’ajouta-t-elle ?), il ne peut que se tourner vers le répertoire de papa, qu’il interprète note pour note. Le mimétisme ne fonctionne plus chez moi. Backing nickel, dont Rick Kreher (guitariste, le dernier du fondateur) et Studebaker John (hca), devenu lui aussi un vétéran.
Retour à la scène du Rosas’s, plus excitante. Li’l Ed & ses boys (dont Billy Branch) organisent la pro jam de ceux qui “en veulent” dont les inamovibles Willie Buck et Mary Lane.
Dave Weld (vo, slide) + Monica Myhre (vo) et leurs Imperial Flames (+ sax) s’agitent joyeusement en style J.B. Hutto comme si leur vie en dépendait. Roboratif.
Le podium Mississippi. Vus au gré de mes allers et retours : Chris Gill & The Sole Shakers (sic), en régionaux dynamiques. Sa chanteuse n’est pas non plus une wang dang doodle de service.
Rising Star Fife & Drums band. Hors cadre du Hill Country blues, Sharde Thomas, sa flûte de jonc et ses tambours sont monotones. Le public ne danse pas, ou si peu.
Super Chikan. Là, oui ! Ses guitares-maison perlées, son groupe féminin efficace – je ne me lasse pas de son incroyable pianiste selfmade, hors des sentiers battus sinon ceux des bootleggers (La La Craig) –, ses titres à la Howlin’Wolf… Chacune de leur prestation est jubilatoire et les Afro-Américains de Chicago s’y reconnaissent. Je ne les quitte pas.
Dimanche 11 juin
Il fait froid et humide, comme Chicago sait tourner casaque en été.
Anthony Paule Soul Orchestra feat Terrie Odabi. Classieux et construit comme une revue, avec chanteur et chanteuse soliste-choriste, la star est évidement Terrie Odabi, tout en couleurs chatoyantes, vocale et vestimentaire.
Stephen Hull Experience. Confirme au Rosa’s et sur la grande scène tout le bien que j’en pense.
Sheryl Youngblood. S’est révélée comme une “diva” formée dans les églises baptistes plutôt qu’une simple vedette de club à petit budget. Impressionnante en meneuse d’orchestre.
Retour au Rosas’s Lounge
Bear Williams band. Le bassiste à la voix de baryton punche et groove comme son physique imposant. Sa chanteuse n’est pas une autre copie de Koko Taylor.
Morry Sochat & The Special 20’s. Au cours des prestations antérieures – c’est un vieil habitué des clubs et tavernes de Chicago – il est devenu mon harmoniciste-chanteur retro swing préféré, avec le look et surtout les sounds qui déménagent. Je reste pour tout le set, bien sûr.
Enfin, un dernier saut jusqu’au podiumMississippi pour O.B. Buchana. Ses fidèles attendent vaillamment dans une bruine exécrable une des stars du chitlin’ circuit qui se fait attendre, balance des synthétiseurs oblige. Mais je reste non preneur.
Clubs
Cette année, ce sont les rendez-vous du Reggie’s qui dominent. Le All-Star Harmonica Blast : les Omar Coleman, Rob Stone, Martin Lang et Joe Nosek (superbe version de After hours) ont donné le meilleur d’eux-mêmes, avec comme invités Oscar Wilson et Joey J.Saye, en solo country blues ou accompagné par les suspects habituels de Chicago dont la pianiste des Cashbox Kings Lee Kanehira, Kenny Smith… et un guitariste dont on parle peu, discret mais efficace, Andrew Diehl, pour qui le style rétro à la Robert Lockwood Jr n’a pas de secrets…
Chicago Blues Supersession dans la petite salle du premier étage, archi bondée. À nouveau les suspects habituels dont Billy Flynn, Oscar Wilson, Roosevelt Purifoy, Kenny Smith, Bob Stroger… mais c’est l’invité élégant qui focalise l’attention, l’organiste Barry Goldberg, l’un des refondateurs du Chicago blues au mitan des années 1960, époque “Paul Butterfield”. Le Hammond retrouve une seconde jeunesse.
Enfin, la Super Blues Pro Jam de clôture du festival réunit Billy Flynn, Johnny Burgin et de nombreux musiciens de Chicago. Organisée par le guitariste-accompagnateur Dave Katzman. Seul défaut : il impose sa femme Amy Lowe comme chanteuse occasionnelle. Et tout l’assemblée d’applaudir… les solos du band. Cependant, le top des soirées restera les deux sets de Stephen Hull au studio Chess.
Rendez-vous le 6 juin 2024 !
Texte et photos : André Hobus