Jaz Karis, La Boule Noire, Paris, 2025
05.03.2025
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Chicago, 6 au 10 juin 2024.
En marge du sommet artistique que constitue le festival, des clubs profitent de l’afflux touristique pour organiser des soirées ciblées “blues”. Outre le Legend’s dont c’est la raison d’être, avec un lancement radio et un défilé d’invités au micro de Tom Marker (MC du festival), nous avons préféré le Reggie’s, proche de Chinatown et d’ordinaire antre rock. En édition spéciale, son All Star Harmonica Blast annuel.
Martin Lang : gros sound riche sur des tempos moyens, sa signature débonnaire. Rob Stone : un maître du swing littlewalterien et un chanteur crédible qui sait “emballer”. Omar Coleman : rude, baveux et soul.
Oscar Wilson : le chanteur des Cashbox Kings, en mode rétro Muddy/Jimmy Rogers, impeccablement swingué par Kenny Smith (batterie) et Mike Scharf (basse). Sa collègue des Kings, la Nippo-Américaine Lee Kanehira (piano) se distingue d’année en année. Annoncé sur l’affiche, Joe Nosek est absent pour cause de remise de diplôme de sa fille aînée. À la guitare subtile et efficace, le jeune Andrew Diehl. Autre habitué du rendez-vous annuel, Joey J. Saye, qui devient surexposé dans son répertoire country blues urbain à la Big Boy Crudup. Enfin, des personnalités présentes s’invitent sur scène : Matthew Skoller, toujours the right man in the right place, Scott Dirks, l’un des co-auteurs de l’insurpassable bio sur Little Walter. Le sympa oldie but goodie Willie Buck vient nous rappeler son existence.
Le lendemain soir, c’est la Chicago Blues Super Session, avec une erreur tactique du guitariste Dave Katzman, son organisateur : tout comme vous ne commanderiez pas votre hamburger au rez-de-chaussée et vos frites à l’étage, on ne programme pas simultanément des favoris dans la salle principale et Gerry Hunt One Man Band/Stephen Hull Experience au Comedy Club et ce sans pause ni horaire ni certitude de pouvoir garder votre place. Et je passe sur l’expo photos. Conclusion : le pauvre Hull se produira dans le vide froid de la climatisation. En bas, c’est le show des “suspects habituels” : Billy Flynn (guitare), Bob Stroger (chant, basse), Pookie Stix (batterie), John Kattke (clavier), Melvin Smith (basse), Oscar Wilson (chant)et les fulgurances de Johnny Burgin (guitare, chant). Madame Katzman, Annie Lowe, au chant, est dispensable comme à chaque édition.
Le samedi, la fondation Blues Heaven de Willie Dixon organise sa visite guidée avec soul food de l’ex-studio Chess, toujours en rénovation. Superbes sets en petit comité de Nick Moss (chant, guitare), son contrebassiste et batteur tous trois en nuances et ambiance à la Jimmy Rogers. Au piano acoustique et vocaux distingués, Ben Levin ; ses choix Willie Mabon prennent alors tout leur sens.
Le dimanche offrait peu de possibilités au vu de la programmation incertaine du Kingston Mines, Nick’s Beer Garden et les deux Smokedaddy’s dévalorisés, surtout un soir de match des Cubs. Une valeur sûre s’imposait alors par défaut : le minuscule Blue Chicago, coincé entre des hôtels et la House Of Blues qui ne l’est plus depuis longtemps. Chance : la chanteuse-entertainer du jour était Laretha Weathersby, convaincante même dans les standards, bien accompagnée par Carlos Showers à la guitare, une section rythmique dynamique et, aux claviers posés sur une table, tant la scène est restreinte, Tony Llorens, un vétéran-producteur/accompagnateur d’Albert King. Qu’est-ce qu’il était content qu’un spectateur d’un soir – votre serviteur – se souvienne de lui, ne serait-ce qu’au travers de l’hommage rendu à son boss par le festival l’an passé et auquel il avait été associé !
Enfin, il est encore plus difficile de trouver un concert le lundi soir… sauf au Green Mill, club kitch-rétro de jazz datant de la Prohibition et qui en a gardé toute la décoration et son atmosphère Certains l’aiment chaud. Au programme : Joel Paterson (chant, guitare, pedal steel) & Friends. Ce soir, nouvelle configuration avec deux saxophones, une contrebasse ronde et subtile et son fidèle batteur nuancé Alex Hall, dans un répertoire swing, de Duke Ellington à Louis Jordan. Paterson est probablement le plus classieux des guitaristes de la Windy City. Dans le public, Vanessa Collier et Laura Chavez n’en perdent pas une note d’autant plus que la taverne ne sert pas de restauration et que les spectateurs sont invités à couper leur portable afin de ne pas divertir l’attention portée aux artistes ! Cette soirée élégante et sophistiquée clôturait en beauté et en souvenirs notre séjour à Chicago.
Texte : André Hobus
Photos © André et Liliane Hobus