17 juillet 2024.

Découvert sous le nom de Christian Scott au début des années 2000, Chief Xian aTunde Adjuah a depuis fait évoluer aussi bien sa musique que son identité pour refléter au mieux sa culture, et en particulier son lien familial avec la tradition des Mardi Gras Indians incarnée en particulier par son grand-père, le Big Chief Donald Harrison Sr.

Ce soir, il est clairement de mauvaise humeur… et avec une bonne raison de l’être. S’il se contente pendant le premier set de dire qu’il « préfère jouer que parler », il prend un temps au début du second pour expliquer la situation : son nouvel instrument fétiche, le Adjuah Bow, une sorte de harpe qu’il a inventée et qu’il a fait fabriquer spécialement, a été détérioré pendant le trajet en avion, d’une façon qu’il pense délibérée. Il prend très clairement sur lui pour cacher au maximum sa contrariété – d’autant que l’indisponibilité de l’instrument lui interdit de jouer ses morceaux les plus récents –, mais son jeu et sa présence physique traduisent la puissance des émotions qui l’animent. 

Comme à son habitude, c’est entouré de jeunes musiciens – entre 19 et 25 ans, si j’ai bien compris – que se présente le trompettiste : Cecil Alexander à la guitare, Ryoma Takenagaà la contrebasse et Ele Howell à la batterie, complétés par le vétéran Weedie Braimah, partenaire régulier de Scott, aux percussions. Bien que le groupe ne soit ensemble que depuis trois mois, sa cohésion est impressionnante, et les larges plages en solo que leur accorde leur leader, en particulier à Alexander et à son jeu constamment inventif – « entre Lightnin’ Hopkins et Jimi Hendrix », dixit Scott –, permettent à chacun d’être mis en avant. Scott profite d’ailleurs des présentations pour leur tresser des éloges enthousiastes et pour encourager le public à les suivre de près. Fidèle au poste, Braimah contribue depuis ses djembés à propulser l’ensemble grâce à ses rythmiques expressives.

Privé du répertoire de son dernier disque, Chief Xian aTunde Adjuah se rabat sur des titres plus anciens comme West from west, que l’absence d’autres cuivres oblige à réinventer de façon originale. Si la musique de Scott s’est éloignée du post bop avec lequel il s’est fait remarquer au début des années 2000, aux côtés en particulier de son oncle Donald Harrison Jr, le jazz n’est jamais très loin, et il le rappelle élégamment avec une version très personnelle de l’insupportable Summertime en final. Malgré les conditions évoquées, c’est une prestation particulièrement remarquable et d’une grande intensité que donne Chief Xian aTunde Adjuah, qui vient confirmer la place à part qu’il occupe au sein de la scène musicale issue de La Nouvelle-Orléans.

Texte : Frédéric Adrian