Qu’on se rassure : pour la suite au “Don’t Give Up On Me” de la redécouverte, Don Bryant n’a rien changé. Scott Bomar est toujours à la manœuvre avec ses Bo-Keys, l’inoxydable Hi Rhythm Section et les Sensational Barnes Brothers aux chœurs. Il a complété son casting du côté de St. Paul & the Broken Bones et The Flat Five, sans que cela n’édulcore cette soul sudiste de la plus belle eau que transcende la voix de Don Bryant.

Le petit bonhomme grisonnant et enjoué qu’on a eu le bonheur de découvrir sur scène n’a pas son pareil pour s’emparer d’un thème et de le vivre de l’intérieur, sans hésiter à surjouer la passion la plus brûlante. Il faut dire qu’il est l’auteur de quasiment toutes les chansons, nouvelles ou ressurgies de son passé. Au titre des nouveautés, le délicat A woman’s touch et, surtout, Your love is to blame, où il proclame son amour pour son épouse Ann Peebles, après plus de 50 ans de mariage. Il poursuit l’hommage en reprenant 99 pounds qu’il écrivit pour elle, à l’époque où il composait aussi pour Otis Clay. Comme ce Is it over, dans lequel son falsetto fait chavirer, et I die a little each day au plus près de la v.o. Autres temps forts, deux morceaux qu’il chantait déjà sur scène et jadis gravés sous la houlette de Willie Mitchell : Don’t turn your back on me, à la mélodie aguichante et sa note finale d’anthologie, et I’ll go ­crazy, autre ballade déchirante, seul titre qui ne soit pas issu de sa plume.

Il sait aussi pousser vers le dancefloor en réhabilitant Cracked over you dont Danny White et Junior Parker firent leur miel. Le gospel irrigue la musique de Don Bryant (il y a même consacré un album “expérimental” à découvrir en streaming), c’est là qu’il puise la lumineuse conclusion, drivée par l’orgue de Charles Hodges et le soutien des frères Barnes.

Jacques Périn

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Fat Possum
Sortie : 19 juin 2020