Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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4 septembre 2021.
Apparemment, Soul Bag et ses lecteurs ne sont pas assez bien pour le festival Jazz à la Villette. Après des années de couverture régulière – disponible en particulier sur notre site – et malgré la présence au programme de nombreux artistes habitués des pages du magazine, nous n’avons pas mérités les accréditations qui nous auraient permis de faire notre travail d’information. Étrange façon pour un festival porté par un établissement public de choisir, sur des critères jamais explicités, quel média est légitime…
Cela ne nous a pas empêchés d’assister à la soirée qui unissait deux voix singulières d’une scène de jazz contemporaine qui, au contraire du service presse du festival, a décidé de ne pas avoir d’œillères. En ouverture, la Britannique Emma-Jean Thackray présente quelques titres de son album “Yellow” paru il y a quelques semaines (et évoqué dans Soul Bag 243). Si elle n’a pu emmener avec elle l’ensemble des participants à ce disque foisonnant, quatre d’entre eux ont fait le déplacement (Dougal Taylor à la batterie, Ben Kelly au soubassophone, Lyle Barton aux claviers et Crispin Robinson aux percussions), et le groupe, avec Thackray à la trompette, aux machines et au chant, réussit à convoquer l’atmosphère générale du son de la musicienne à défaut d’en restituer toutes les nuances.
Les titres chantés comme Golden green et Spectre, majoritaires dans le programme, se teintent dans ce format restreint d’une couleur soul jazz qui renvoie aux grandes heures du label Acid Jazz – sans doute pas un hasard si Crispin Robinson, aux percussions, est un ancien de Galliano… Communicant plus avec ses musiciens qu’avec le public, Thackray semble immergée dans sa propre musique, qui demande pour le coup un petit effort d’approche aux spectateurs. Dommage que le format restreint de la première partie – plaie récurrente de Jazz à la Villette – interdise au concert de se déployer sur la durée, limitant la possibilité pour le public d’entrer dans l’univers de Thackray, qui est sans hésitation une des voix à suivre d’une scène londonienne qui n’en manque pas.
Pas de difficulté à entrer en contact avec le public pour Louis Cole, qui lui succède. Le Californien – qui participe à sa propre balance, affublé d’un sweat à capuche, sans que grand monde ne s’en rende compte ! – sait que la salle lui est acquise par avance et en joue volontiers, sans s’interdire une certaine dose de complaisance très “slacker”, par exemple quand il présente 8===D (ça n’est pas une typo…) comme « la chanson la plus stupide jamais écrite ». Vu courant 2019 dans un format big band qui l’obligeait à cadrer un peu son exubérance, c’est en trio polyinstrumentiste qu’il revient : il passe des claviers et machines (sur lesquelles il construit en direct ses boucles) à la batterie, Chris Fishman alterne entre différents claviers et le très polyvalent Nate Wood – entendu notamment au sein de Kneebody – se ballade entre basse et batterie. La chanteuse Genevieve Artadi, binôme de Cole au sein de Knower, apparaît ponctuellement au chant, et même à la batterie, à la grande joie du public.
Côté répertoire, Cole mélange nouveautés – dont un poème ! – et classiques de son répertoire en solo (Failing in a cool way, Everytime…) et avec Knower (One hope, le “tube” Overtime), mais n’hésite pas les dynamiter, soit en les réduisant à leur plus simple appareil, soit en les déclinant au long cours (une version à rallonge de 8===D). C’est d’ailleurs dans ces moments-là, quand le trio se laisse porter par son propre groove qu’il est à son meilleur tandis que les passages plus proches d’un format chanson sont parfois frustrants. Le résultat, avec ses temps forts et ses passages plus faibles, se suit néanmoins sans ennui, tant Cole semble s’amuser à rester sur le fil d’un certain chaos musical qui, à défaut d’être toujours convaincant, a au moins le mérite de l’audace. Le dernier “vrai” album de Cole date de 2018, difficile de savoir où ses expérimentations le conduiront la prochaine fois !
Texte : Frédéric Adrian