Mettre un disque de ­Fantastic Negrito, c’est faire une expérience de désorientation musicale. Pourtant on commence à le connaître, mais on est toujours surpris.

Appuyez sur play et planquez-vous bien vite derrière le canapé, parce que vous allez voir sortir de vos enceintes un dragon bariolé hurlant un hard rock zeppelinesque, juché sur un son de basse énormissime et enturbannée de violons tourbillonnants. Wow, wow, wow, ­Negrito, tu nous avais pas dit que tu allais nous la jouer soul, ballade et émotions ? Oui, mais uniquement à sa manière à lui. OK, va pour ­Skirty, un blues hip-hop scandé et hyperactif. Va aussi pour une ballade soul sudiste, Hope somebody’s ­loving you, dans laquelle on peut profiter d’une très belle performance vocale. Va pour se Goddamn biscuit, très méchant, très grinçant, rageur. Va pour Devil in my pocket, funky, mais armé d’une batterie rock de chez rock, toutes cymbales dehors.

On ne sait jamais ce qu’il va nous sortir, comme idée, ni où il va nous emmener. Mais on sait qu’on va probablement le suivre. Fantastic Negrito, c’est le genre de gars, vous le rencontrez dans la rue, il croise votre regard, vous demande du feu et par le seul pouvoir de son charme embobineur, vous laisse trois jours plus tard dans un pays d’Asie du Sud-Est, sans un sou en poche, le regard halluciné par une foi nouvelle et engagé pour la vie dans une guérilla marxiste. Il y a toujours ces voix qui changent et se superposent d’une seconde à l’autre, des hydres aux cous emmêlés et aux visages de gargouilles grotesques et grimaçantes. Des envolées et des ouvertures, des innovations de partout.

Il y a This little light of mine, qui prend une dimension existentielle extrêmement émouvante dans le contexte de la thématique de l’album. Car toute cette rage créative, c’est celle d’un enfant abandonné qui crie après son père. Un hurlement primal qui ne peut se laisser enfermer dans les frontières d’un genre ou d’un langage musical bien déterminé.

Benoit Gautier

Note : ★★★★
Label : Storefront
Sortie : 18 octobre 2024