Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Grand Rex, 5 novembre 2022.
Cette année, les organisateurs ont vu grand – une représentations l’après-midi, une le soir – et le pari semble gagné : dès 15 heures, heure très théorique du début du show, la grande salle du Rex se remplit rapidement, et elle est quasiment pleine quand débarquent sur scène les pasteurs David et Jocelyne Goma, à l’initiative du festival et qui en resituent l’objet avant de faire entrer sur scène les quelque deux cents membres de la chorale Total Praise avec leur directrice de chœur Isabelle Voitier. Comme les années précédentes, c’est le bassiste Théophane Koffi qui assure la direction musicale du groupe d’accompagnement, particulièrement efficace et réactif.
La première partie est consacrée à des voix françaises, le plus souvent issues de Total Praise, parmi lesquelles la remarquable Crécilia Nonirit, qui donne une belle version du Goodness of God de CeCe Winans, avant que le vétéran Marcel Boungou, figure incontestable de la scène française depuis les années 1980, ne vienne interpréter deux titres, dont un hommage inattendu mais bienvenu à Manu Dibango avec Sango Yesu Kristo, un titre qu’il avait composé pour la chorale N’Temo Gospel dirigée par Boungou.
Le temps d’un court entracte et il est temps de passer aux vedettes américaines invitées. Surprise : c’est Kim Burrell la première à se présenter. Il faut dire que sa carrière ne s’est pas remise de la révélation de ses répugnants propos homophobes il y a quelques années. La chanteuse, qui enchaînait les collaborations de prestige – de Stevie Wonder à Jay Z, en passant par Missy Elliott, Harry Connick, Jr., George Clinton, Snoop Dogg, Pharrell Williams, Frank Ocean… – et les récompenses n’a quasiment rien publié – en dehors d’une apparition sur un album de PJ Morton en 2020 – depuis 2017, et ses prises de paroles récentes, entre attaque sur le physique et la pauvreté de certains paroissiens et rhétorique complotiste, n’ont rien fait pour améliorer sa situation. Ayant, peut-être, enfin appris sa leçon, elle se contente sur scène de quelques phrases très générales et se concentre, à juste titre sur le chant.
Elle commence avec le Let there be peace on earth qu’elle avait enregistré en 2008 avec Harry Connick, puis se lance dans son propre répertoire avec Thank you Jesus (That’s what he’s done), extrait de son dernier album en date, “A Different Place”, qui remonte déjà à 2015. C’est d’ailleurs ce disque qui constitue le cœur du répertoire interprété cet après-midi. Loin des extravagances vestimentaires et scéniques d’une Kierra Sheard-Kelly, à l’affiche l’année dernière, Burrell se présente habillée très simplement – même si elle plaisantera sur la perte de ses faux cils ! – et se contente d’une présence très statique, comptant uniquement sur son chant pour assurer le spectacle. De fait, l’écoute en direct vient confirmer la bonne impression laissée par ses disques : Burrell est une chanteuse absolument incroyable, combinant technique très poussée – elle atteint des notes rarement entendues – et immense expressivité. À l’entendre chanter, en final, All things are possible, un titre qu’elle a enregistré l’an passé avec Brian C. Hines, impossible de ne pas regretter qu’elle ait laissé ses préjugés ruiner une carrière qui aurait dû en faire l’héritière naturelle du trône de Shirley Caesar.
J’avais été surpris de voir que Kim Burrell n’était pas la vedette du programme, laissant sa place à un Travis Greene dont j’avoue n’avoir jamais entendu parler – malgré ses cinq nominations aux Grammys ! La réaction du public à son entrée sur scène me confirme que les organisateurs savent ce qu’ils font : c’est une immense acclamation qui monte de toute la salle quand il attaque Tent revival, une chanson parue cet été et dont tout le public – sauf moi ! – semble connaître les paroles. Il enchaîne ensuite avec Intentional, un de ses titres à avoir atteint le sommet du classement gospel, dont il donne une version à rallonge, introduisant des influences caribéennes très bien accueillies par le public.
Travis Greene salue la présence dans la salle de sa famille – sa femme, sa fille, sa mère, sa belle-mère – et ne cache pas sa joie de jouer pour la première fois à Paris. Accompagné de deux choristes et d’un guitariste, Greene propose un show et une musique bien plus modernes que ce qui l’a précédée, quitte à marginaliser le rôle de la chorale dans le son global. C’est bien moins à mon goût, pour être honnête, mais impossible de ne pas noter combien ce qu’il propose – la plupart des chansons ont atteint la première place du classement gospel – est accueilli avec enthousiasme par un public évidemment connaisseur. Même sans être particulièrement touché par sa musique, la ferveur des spectateurs est contagieuse : très vite, la frontière entre la chorale et la salle tombe, et chacun des morceaux est repris à pleine voix.
Une fois de plus, avec sa programmation exigeante et exclusive, le Gospel Festival de Paris a confirmé sa nature d’évènement à part dans le calendrier des musiques afro-américaines en France.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot