Carnet de voyage : Tennessee, octobre 2024
20.12.2024
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6 novembre 2024.
C’est, depuis 2003, le principal évènement français et peut-être même européen pour les amateurs de gospel contemporain… Après avoir fêté en grande pompe ses 20 ans l’année dernière à Bercy avec les légendaires Clark Sisters, le Gospel Festival de Paris, toujours animé par ses fondateurs, les pasteurs David et Jocelyne Goma, retrouvait son format habituel avec une représentation unique au Grand Rex et une affiche plus modeste, mais non moins attractive, d’autant que les visites parisiennes d’artistes dans ce registre sont rarissimes.
Comme chaque année, c’est la chorale Total Praise Mass Choir qui ouvre la soirée, sous la direction d’Isabelle Ngombo, avec ses différents solistes habituels et la participation ponctuelle de danseurs et l’accompagnement de l’orchestre piloté une fois encore par Théophane Koffi, et confirme qu’elle est, dans son registre, au niveau des meilleurs ensembles américains du genre.
La première vedette invitée est Tasha Page-Lockhart, une chanteuse originaire de Détroit qui est notamment connue pour sa victoire en 2013 dans l’émission de télé-crochet gospel Sunday Best diffusée sur la chaîne BET. Depuis cette date, elle a publié deux albums et quelques singles et collaboré avec Kirk Franklin et Tye Tribbett. Son approche tout en force et sans grande nuance, sur un répertoire issu de ses propres enregistrements, n’est pas tout à fait à mon goût, mais enchante une salle qui n’aime rien tant que les acrobaties vocales, et il est difficile de ne pas se laisser gagner par la ferveur qui l’accompagne quand elle attaque son Nobody but Jesus, qu’elle avait notamment interprété lors du concert des cinquante ans de Malaco.
Le temps d’un entracte, et c’est au tour de Todd Dulaney de rejoindre la scène. Originaire de Maywood, dans l’Illinois, le jeune quadragénaire s’est d’abord lancé dans le sport, en tant que joueur de baseball professionnel, avant de se tourner vers le gospel sous la houlette de Smokie Norful. Depuis ses débuts discographiques en 2011, il a publié cinq albums sous son nom – dont deux ont atteint la première place du classement spécialisé – et décroché quelques tubes, au premier rang desquels Victory belongs to Jesus, reconnu dès les premières notes par un public de connaisseurs et dont il donne une version à rallonge, soutenu aussi bien par les voix de la chorale que par celles des spectateurs. Plus posé que Tasha Page-Lockhart – qui s’est installée dans la salle pour suivre le spectacle, Dulaney possède un charisme tranquille et sa présence chaleureuse séduit visiblement ses auditeurs, d’autant qu’il bénéficie d’un solide répertoire avec des chansons accrocheuses comme The anthem ou Proverbs 3 (Tablet of your heart).
Pas de grande surprise à attendre de Kim Burrell, qui participe pour la troisième fois consécutive à l’évènement. La chanteuse, qui a récemment présenté ses excuses pour les prises de position homophobes qui avaient fait dérailler sa carrière il y a quelques années, est une nouvelle fois accueillie avec enthousiasme par la salle. Désormais habituée de l’évènement, elle propose un répertoire différent de celui de ses passages précédents. Si le Victory frénétique qui ouvre sa prestation – un titre de son premier album, paru il y a bientôt 30 ans – n’a pas grand intérêt, sa lecture du O my soul loves Jesus de Kurt Carr, qu’elle ne semble pas avoir enregistré, lui permet de déployer toutes ses nuances d’interprète, parfaitement soutenue par la chorale, et déclenche l’enthousiasme d’un public en totale empathie. Call his name, qu’elle a récemment gravé en tant qu’invitée de Kenny Lewis and One Voice, est également un succès, ainsi que le Thank you Jesus (That’s what he’s done), extrait de son dernier album en date (qui remonte déjà à 2015), qui vient clore une prestation qui ne fait que confirmer le statut de Burrell comme une des plus grandes voix de l’histoire du gospel.
Malgré une affiche moins spectaculaire que les années précédentes, le Gospel Festival de Paris reste un évènement unique, qui donne l’occasion d’entendre des artistes extrêmement rares sur nos scènes – ni Page-Lockhart ni Dulaney n’avaient eu l’occasion de se produire en France jusqu’ici – dans le contexte approprié, et un rendez-vous majeur pour les amateurs du genre.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Kara Coulibaly, Fernande Gousse et Oluwatobi Alakinde