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Chroniques / 27.08.2020

Gregory Porter, All Rise

Il fallait absolument sortir de cette spirale. Celle qui faisait de Gregory Porter un artiste de plus en plus formaté. Cadenassé. La rançon de la gloire, qui affadit et banalise le propos. Albums vendus par millions, Grammy Awards reçus en pagaille : le crooner de chez Blue Note n’avait pas vraiment d’intérêt à bousculer son public, ni ses habitudes, plutôt mauvaises depuis “Take Me To The Alley”, sorti en 2016. À l’intérieur, un jazz édulcoré, coincé dans sa cage acoustique, faisant craindre la panne d’inspiration. Dernièrement, les hommages peu convaincants rendus à son idole de toujours Nat King Cole avaient hélas confirmé cette baisse de forme.

Voilà pourquoi “All Rise” tombe à pic. Déjà parce qu’il affirme à travers Revival, premier extrait gospélisant, la petite révolution intérieure amorcée dans ce sixième album : la production, confiée au prolifique Troy Miller (Rag’n’Bone Man, Laura Mvula, Amy Winehouse) et façonnée entre Saint-Germain-des-Prés et les mythiques Studios Capitol de L.A., sera dense (quinze morceaux crédités), forte et parfois étonnante, comme lorsqu’elle troque l’incontournable contrebasse contre un Moog pour impulser le groove de Long List of troubles. Rangées de cordes (Modern day apprentice), nuées de cuivres et chorale XXL entourent parfaitement les habituels et excellents sidemen de Porter (Emanuel Harrold à la batterie, Chip Crawford au piano) offrant au milieu de ballades plus évidentes – Merry go round en tête – de réjouissants moments de soul amplifiée, dont Faith in love pourrait à lui seul constituer un sommet d’élégance et de pureté.

L’émotion tout en déséquilibre de Dad gone thing ou bien la colère froide entendue dans Merchants of paradise prouvent une fois de plus la finesse d’écriture d’un Porter qui, indépendamment des thèmes qu’il choisit d’aborder, ne chante et ne vit que pour délivrer un seul et même message : l’amour, même imparfait, triomphera toujours.

Mathieu Bellisario

Note : ★★★★
Label : Blue Note
Sortie : 28 août 2020

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