Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Bouconne (31), les 3 et 4 juin 2023.
Le samedi 3 juin s’annonce bien sur le site de la base de loisirs de Bouconne, au cœur de la forêt du même nom dont au moins une partie fait l’objet de de deux zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Il fait beau, chaud, voire très chaud, et le programme est alléchant avec The Crickets, The Twin Souls et Elise & the Sugar Sweets. Malheureusement, la météo va en décider autrement avec un front orageux qui se met en place et la pluie qui tombe alors que les Crickets, quartet de bluegrass reprenant à sa façon les hits des années 1980, ont commencé à jouer. Une première interruption puis une courte reprise, mais les éléments se déchaînent vraiment, pluie de plus en plus forte puis grêle et l’organisation doit se résoudre à annuler le reste de la soirée. C’est une décision difficile à prendre, mais elle est judicieuse tant le confort et la sécurité de tous ne pouvaient plus être assurés.
Le soleil du dimanche 4 juin matin fait du bien au moral en laissant espérer une journée plus calme. On la commence avec la masterclass de Franck Goldwasser à la salle Fontanilles de Saint-Paul-sur-Save. Franck est accompagné de Giles Robson à l’harmonica et Mig Toquereau à la contrebasse. Franck commence par requalifier l’événement en rencontre plutôt que masterclass, estimant ne pas être un “maître”, mais plutôt quelqu’un qui a joué avec des maîtres et a, de fait, des histoires à raconter.
Venu au blues via un disque de Brownie McGhee puis un concert de Mighty Joe Young, il fait ensuite des rencontres déterminantes, d’abord avec Sonny Rhodes qui l’encourage à venir jouer aux États-Unis sur la Côte Ouest, précisément à Oakland, une ville à la très forte communauté afro-américaine, au sein de laquelle les musiciens jouent un blues plus sombre qu’à Los Angeles ou San Francisco. Il rencontre aussi Troyce Key, musicien et propriétaire du Eli’s Mile High Club, qui l’engage dans l’orchestre maison. Il joue alors avec Lowell Fulson, Percy Mayfield, Charles Brown, Big Mama Thornton et des musiciens locaux, avant de rejoindre l’orchestre de Jimmy Cracklin, puis de jouer avec Gary Smith, Mark Hummel, Junior Watson, Rick Estrin, Charlie Musselwhite, Nick Gravenites et bien d’autres.
De sa carrière personnelle en tant que leader, il parlera peu, sinon pour annoncer la sortie d’un nouveau disque chez Crosscut en début d’été, intitulé “Who Needs This Mess”, avec notamment Sugaray Rayford, Charlie Musselwhite et Kirk Fletcher. Son discours est illustré d’intermèdes musicaux, un titre de Lowell Fulson, un de Jimmy McCracklin, le morceau-titre du nouveau disque, avant de laisser le micro à Giles Robson pour un blues lent très prenant. À sa façon, Franck est devenu un maître lui-même.
L’après-midi commence par une jolie promenade en forêt pour aller écouter le Soary Quartet dans une petite clairière. Composé de la chanteuse Antonela Lucía, du guitariste Cyril Salvagnac, de Fabrice Camboulive à la contrebasse et Laurent Meyer aux percussions, le quartet propose une musique jazzy, chantée en italien et espagnol, portée par la voix impressionnante d’Antonela, capable d’envolées soudaines qui en boostent la douceur mélodique, et la guitare élégante de Cyril.
Retour à la base de loisirs pour écouter La Bedoune sur la petite scène. Écouter le blues de ce duo unique en son genre au soleil, ses textes incisifs et humoristiques en anglais avec la voix marquante de Cécile, les guitares solides de Greg, c’est un plaisir apaisant. Ce n’est pas la première fois qu’ils passent à Guitarensave, ce n’est peut-être pas la dernière et c’est très bien car on ne s’en lasse pas.
On se tourne ensuite vers la grande scène où Giles Robson est en vedette, avec Franck Goldwasser à la guitare, Mig Toquereau à la contrebasse et Pascal Delmas à la batterie. Mais il est d’abord seul pour deux morceaux avec son seul harmonica sur No talking through, un boogie blues rapide et on prend une première claque blues. Quand il est rejoint par Franck, Mig et Pascal et que ça part en blues électrique, il n’y a plus qu’à tendre l’autre joue car c’est un festival de blues électrique, harmonica faiblement amplifié, guitare écorchée, rythmique sobre, comme on n’en entend peu.
G.R. shuffle, Your dirty look and your sneaky grin, Sarah Lee, les titres des morceaux parlent d’eux-mêmes, c’est du vécu, dans l’esprit, et ça nécessite un niveau musical blues adapté que le groupe délivre sans peine. Giles joue des riffs secs et précis, des solos à la fois raciniens et virtuoses avec des séquences dans les aigus qui laissent pantois, et des compositions improvisées comme un Guitarensave boogie bien senti, où chaque musicien prend son solo, avant un finish au rythme de plus en plus rapide. Franck Goldwasser prend alors le chant pour Mustang Sally et Going upside your head. Peu aventureux pourrait-on penser, mais c’est fait à la façon de Franck, avec des riffs et des solos venus d’ailleurs. Giles reprend le lead, seul sur Choo choo train puis en groupe sur Somebody’s making money somewhere, au message satyrique directement envoyé à Boris Johnson, puis Nine below zero en final. On sort de là les oreilles et le cœur propres.
Des dispositions qui sont une sorte de tapis rouge pour B.B. & the Blues Shacks. Michael et Andreas Arlt à l’harmonica et au chant et à la guitare, Fabian Fritz aux claviers, Henning Hauerken à la basse, Andre Werkmeister à la batterie, sont ensemble depuis longtemps et tournent intensément, c’est donc à un spectacle parfaitement rodé auquel on assiste.
Trente-quatre ans d’existence, seize disques, ils ont un immense répertoire dans lequel piocher, blues de tous les styles, soul, jump, rhythm and blues, reprises (Otis Rush, Otis Clay, Clarence Gatemouth Brown, Floyd Dixon, Magic Sam), compositions, ils déroulent leur show en totale maîtrise. Le chant est placé, la guitare a une place prépondérante, les claviers jaillissent avec précision, et la rythmique est solide. On regrette juste de ne pas entendre plus d’harmonica. Avec ce groupe, on sait où on va et on adore y aller car le son est bon et tout est fait avec cette fraîcheur souriante qui continue à séduire. Bravo !
La journée du dimanche s’est donc bien passée et on quitte le site avec la tête pleine de bonne musique, un état agréable pour prendre la route du retour.
Textes et photos : Christophe Mourot