Si sa carrière n’a connu qu’un succès commercial limité, au point d’être souvent résumée au tube Rockin’ chair, la musique de Gwen McCrae n’a jamais cessé de toucher les amateurs de soul, au point qu’elle soit couronnée Queen of Rare Groove. 

Née à Pensacola en Floride le 21 décembre 1943, Gwen Mosley commence dès son adolescence à se produire dans les clubs locaux et à chanter avec différents groupes. En 1963, elle épouse – une semaine après l’avoir rencontré ! – un membre de la Navy, également chanteur, George McCrae. À la fin de son séjour dans la Marine, celui-ci reforme son ancien groupe, les Jivin’ Jets, et Gwen intègre l’ensemble. Au bout de quelque temps, le couple quitte le groupe et se lance en duo, sous le nom de George & Gwen. Installés à West Palm Beach, ils se produisent dans les clubs du Sud de la Floride. C’est là qu’ils sont découverts par Betty Wright, qui les oriente vers Henry Stone.

Signés sur un de ses labels, Alston, ils publient plusieurs singles en duo à partie de 1969, qui connaissent un certain succès local. Le couple travaille également comme choriste en studio, apparaissant notamment sur des disques de Latimore et Swamp Dogg, ainsi que sur un album solo du bassiste des Rolling Stones Bill Wyman. En parallèle, elle se lance en solo avec une reprise du Lead me on de Bobby Bland produite par Steve Alaimo à Miami mais publiée sur Columbia qui lui permet de faire son entrée dans le classement R&B de Billboard. Parmi ses autres singles pour Columbia figure la première version publiée de la ballade Always on my mind, reprise quelques mois plus tard par Elvis Presley.

Faute de succès, le contrat Columbia se termine en 1973 et McCrae retourne sur un label de Henry Stone, Cat, où elle décroche quelques hits R&B mineurs alors que la carrière de son mari décolle avec Rock your baby, une composition qui lui avait été initialement proposée. Elle se rattrape quelques mois plus tard avec un  titre dans le même esprit, Rockin’ chair, composé également par Willie Clarke et Clarence Reid, qui atteint le sommet du classement R&B et le 9^e rang du Hot 100. Aucun de ses disques suivants ne parvient à renouveler l’exploit, la meilleure réussite étant la 44^e place R&B de Winners together or losers apart en duo avec George, paradoxalement au moment où le couple divorce.

Quand Cat ferme ses portes au début des années 1980, McCrae rebondit chez Atlantic, où son Funky sensation atteint la 22^e place du classement R&B. Malgré la réussite du single suivant, Keep the fire burning, une composition de Willie Hutch, le succès commercial n’est pas au rendez-vous, et l’aventure Atlantic se termine après deux albums. Après un single isolé en 1984 pour le petit label de Miami Black Jack Records (qui se classe quand même côté R&B), elle met un terme à sa carrière musicale.

C’est le public britannique amateur de northern soul et de rare groove qui va la sortir de sa retraite quelques années plus tard. Sollicitée pour se produire lors de weekenders, elle en profite pour publier quelques singles pour des labels locaux, et même un album, “Girlfriend’s Boyfriend” en 1996. La même année, elle publie aussi un album aux États-Unis, “Psychic Hot Line”, qui paraît sur le label Godlwax ressuscité, suivi trois ans plus tard d’un disque produit par le vétéran de la scène soul sudiste Frank-O Johnson sur son propre label, “Still Rock’in”. Elle publie en 2004 un album gospel, “I’m Not Worried”. Au milieu des années 2000, une agence basée en Allemagne, Soulpower, lui permet de tournée régulièrement en Europe et elle fait en particulier ses débuts en France au Nouveau Casino. Très inquiète de l’accueil qu’allait lui réserver ce public qui ne la connaît pas, elle s’effondre en larme dès la première chanson, quand les spectateurs reprennent avec elle 90% of me is you. 

Jusqu’en 2009, elle se produit régulièrement en France, accompagnée par les Soulpower All-Stars, mais des problèmes personnels de plus en plus visibles viennent mettre un terme à ce retour. Un excellent album en public, “Live In Paris At New Morning”, documente un de ces concerts. En 2006, elle publie son dernier album, “Gwen McCrae Sings TK”, sous la houlette de son ancien patron Henry Stone avec la participation de ses anciens collègues Latimore, KC, Timmy Thomas et Little Beaver. En 2012, après un concert en Angleterre, elle subit une attaque qui la laisse partiellement paralysée et met un terme, cette fois définitif à sa carrière, même si sa musique, régulièrement compilée et samplée (par Lady Gaga et Ariana Grande sur Rain on me en 2020 ou Danger Mouse et Black Thought sur Sometimes en 2022, par exemple), continue à séduire. 

Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © DR / Collection Gilles Pétard