Un retour magistral. Le quartet de Melbourne, auquel on associait le style future soul à ses débuts il y a dix ans, rejoint le label californien Brainfeeder et livre un troisième album solaire, qui affirme son goût pour l’orchestration et les arrangements pour cordes. Naomi “Nai Palm” Saalfield (guitare, chant), Paul Bender (basse), Simon Mavin (claviers) et Perrin Moss (batterie) n’ont rien perdu de l’ADN qui a fait le succès des singles Nakamarra et Breathing underwater : harmonies byzantines et noueuses, superposition de couches, tranchant métronomique, syncopes affûtées, plasticité vocale de la chanteuse. 

La session que les quatre Australiens ont réalisée à Rio de Janeiro fin 2019 avec le légendaire arrangeur brésilien Arthur Verocai – auteur en 1972 de No boca del sol, un classique samplé en hip-hop – a été décisive : l’orchestration de Get sun et de Stone or lavender resplendit, à en tirer les larmes de Paul Bender en studio. Solaire, l’album vibre aussi par sa profondeur émotionnelle. Écoutez la fêlure dans la voix de Nai Palm sur le très jazz Red room. À cet égard, l’intitulé de l’album fait écho à Suzie, la mère de Nai Palm, et cela n’a rien d’anodin. Suzie transportait six gamins dans des Chrysler vintage, des modèles Valiant Safari Wagon de 1967. « L’une était noire, l’autre blanche. Elle conduisait la blanche, mais les jours où il ne fallait pas la chercher, elle conduisait la noire. » À l’âge de 11 ans, Nai a perdu sa mère d’un cancer du sein. Elle vient elle-même de subir une mastectomie qui a bousculé le processus de conception de cet album.

Un album brillant de courage, ouvert aux jours d’après. Tendez l’oreille, les oiseaux chantent, sur le titre Slip into something soft.

Alice Leclercq

Note : ★★★★★(Le Pied!)
Label : Brainfeeder
Sortie : 25 juin 2021