Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Châtres-sur-Cher, 6 avril 2019.
En 2017, l’ancien Café des Pêcheurs du village de Châtres-sur-Cher qui faisait office de restaurant-billard-salle de bal dans cette petite commune de Sologne est devenu, sous l’appellation Maison du Blues, un “juke joint” à la française, sous forme associative, après son acquisition par Jack et Anne-Marie Garcia. En deux ans, plus d’une centaine de concerts de blues y ont été organisés, donnés par des artistes aussi bien européens qu’américains, drainant un public de fidèles venus de toute la région. Un idiome musical peut être pas tout à fait inconnu de certains baby-boomers du coin qui, dans les années 1950 et 60, avaient pu le découvrir dans les clubs qui essaimaient autour de deux grandes bases militaires américaines proches, celles de Vierzon et de Châteauroux.
Ces concerts n’étaient que la première étape d’un projet plus ambitieux visant à créer au même endroit un musée du blues inauguré le 6 avril dernier. Durant plus de quatre décennies, Jack et Anne-Marie Garcia ont eu l’occasion de faire de nombreux voyages dans le sud des États-Unis, de se lier d’amitié avec des bluesmen, notamment Bobby Rush devenu parrain du lieu, et de rapporter des objets en tous genres, d’où l’idée d’un musée où ils seraient exposés. Grâce la création d’un fonds de dotation recueillant les participations de donateurs privés et forte du soutien moral et financier de la municipalité, de la communauté de communes de Romorantin, d’autres instances régionales et de l’Union européenne, cette utopie a pu voir le jour, enrichie de pièces fournies par d’autres collectionneurs (vinyles, affiches, photos, instruments de musique, jusqu’à un blouson ayant appartenu à Muddy Waters !).
Sur deux étages et 400 m2, le parcours, à la fois pédagogique et ludique agrémenté d’espaces audio et vidéo, en une scénographie remarquable, regroupe un nombre d’objets impressionnant et retrace les éléments essentiels permettant de reconnaître et comprendre l’évolution du blues et le contexte dans lequel il est né. Il satisfera aussi bien néophytes qu’amateurs éclairés. Pour ne prendre qu’un exemple, j’ai pour ma part, trouvé émouvant d’y découvrir la réplique d’une grosse caisse de l’une des batteries de James “Peck” Curtis, accompagnateur des années 1940 aux années 60 de l’harmoniciste Sonny Boy Williamson II pour un célèbre programme radio King Biscuit Time à Helena, Arkansas.
Texte : Jean-Pierre Bruneau
Photos © DR / courtesy of La Maison du Blues
Musée du Blues
42 Rue du 11 Novembre 1918
41320 Châtres-Sur-Cher
Ouvert au public d’avril à fin octobre, jeudi, vendredi, samedi et dimanche de 10h30 à 18h00 en continu.
Site : museedublues.free.fr
E-mail : lamaisondublues@gmail.com
Tél : 09 80 39 25 48 pendant les heures d’ouverture ou 06 24 77 71 58.
Des concerts continuent d’y être organisés chaque semaine ainsi que la 2e édition d’un festival en plein air, “Blues Fest 2019”, le 6 juillet prochain au château de Douy à Châtres avec les groupes Awek et Big Turkey’s Power.
La Pyramide, Romorantin-Lanthenay (41), 6 avril 2019.
Quelquefois les salles de cinéma mettent en garde : « Attention, certaines scènes peuvent heurter un public non averti. » Peut-être faudrait-il prévoir une telle mise en garde aux portes des concerts de Bobby Rush en France, car, cette fois encore, à entendre certains commentaires, quelques attitudes ou propos ont eu du mal à passer. Surtout après l’épisode “MeToo” ! Il faut se faire une raison : Bobby Rush ne cherche pas à édulcorer son show pour un public non anglophone et pas forcément habitué à ses facéties grivoises. Ce dont, d’ailleurs, nous nous réjouissons, dans la mesure où ce show s’inscrit dans une histoire, une tradition où le second degré règne.
En préambule au concert, et en prolongement des festivités de l’après-midi, Bobby Rush se voit remettre la médaille de citoyen d’honneur de Romorantin-Lanthenay des mains de son maire, Jeanny Lorgeoux, qui, visiblement, apprécie le blues. Ses mots le prouvent comme son implication dans la réalisation ce Musée du blues imaginé par Anne-Marie et Jack Garcia.
L’orchestre prend place sur la scène de la Pyramide, une grande et belle salle à l’acoustique impeccable, pour un court morceau d’introduction, car les préliminaires sont réduits et Bobby Rush arrive bientôt flanqué de sa plantureuse danseuse, Loretta Harris-Wilson en collant couleur chair et voiles de tulle du plus bel effet – façon mille-et-une nuits ! She’s so fine chante-t-il tout en suivant du regard les ondulations suggestives de la dame. La musique est funky à souhait, bien épicée par des musiciens chevronnés au groove parfait. La suite du show va permettre de goûter à toutes les facettes d’une vraie revue sudiste où le blues, soul et funk se fondent naturellement, où les scènes de comédie abondent, où tous les musiciens sont sollicités, et dont Bobby Rush est le maître d’œuvre incontesté. Il raconte son histoire, ses blagues, se montre aussi impliqué à l’harmonica qu’à la guitare, imite Michael Jackson ou Elvis Presley, explique ce que les Beatles ont emprunté à Jimmy Reed. Il danse aussi avec conviction et n’hésite pas à sauter, ce qui laisse rêveur quand on sait qu’il a largement passé le cap des 80 ans. « 86 », affirme-t-il sur scène, mais le marker du Mississippi Blues Trail (source fiable) le dit né le 10 novembre 1937. Qu’importe, Bobby Rush est dans une forme physique et vocale impressionnante.
Présent sur scène durant deux heures, il offre un spectacle complet avec ses moments forts et ses plages plus calmes. Il arpente la scène mais aussi la salle, invite quelques dames à danser avec lui, ne refuse pas un rappel et file, dès la fin du concert, dans le hall pour dédicacer CD et affiches. Quelle santé !
Formation : James Pace (kbd), Kenneth Roy Kights (g), Arthur Cooper (b), Bruce Howard (dm).
Texte : Jacques Périn
Photos © DR / courtesy of La Maison du Blues