Fantastic Negrito, Son Of A Broken Man
13.12.2024
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Ce premier album confirme les promesses de “The Boy Who Cried Freedom”, l’un des tout meilleurs EP parus en 2017. Jacob Banks ne se contente pas de prolonger habilement les deux axes principaux qui font sa force – un versant electro détonant et un art de la ballade tord-boyaux –, il offre aussi à sa voix de stentor et à sa plume sensible de nouvelles pistes d’expression. Ainsi, après le Chainsmoking fondamental que l’on retrouve en lever de rideau, le colosse de Birmingham (UK) surprend en conduisant le tendu Love ain’t enough dans un virage reggae-dub. Une mue jamaïcaine réussie que connaît aussi Mexico, parfaitement ficelé avec chœurs, cuivres et Rhodes parcimonieux. Bien vu également l’association avec Bibi Bourelly, autre écorchée de la voix qui griffe Kumbaya, ballade à vif dont le refrain glisse vers une pop théâtrale.
Ce sens maîtrisé et assumé de la dramaturgie permet à Banks de viser large tout en restant lui-même, comme lorsqu’il convoque un groove ouest-africain, riche de percussions et de kora, pour embarquer à bord de Keeps me going, lumineuse ode au courage ancrée dans la terre des soulmen grâce au drive implacable d’un chant qui tonne et qui gronde. Que cette voix ombrageuse et gutturale épouse naturellement celle de Seinabo Sey semblait une évidence, confirmée à nouveau (Banks participe à un titre du nouvel album de Sey) par Be good to me, autre tour de force electro-racinien. Dans un registre ouaté, véhiculé par une pulsation rebondie bien dans l’air du temps, Prosecco est particulièrement addictif.
Mais la réussite du “Village” repose aussi sur une série de chansons dépouillées et/ou à l’orchestration organique qui prennent de l’ampleur au fil des écoutes. Banks y ose une mise en relief tout en retenue qui révèle la portée de ses mots empreints de sagesse. Ceux d’un homme plein de ressources pour nourrir son talent.
Nicolas Teurnier
Note : ★★★★1/2
Label : Interscope / Universal
Sortie : 2 novembre 2018