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Live reports / 04.12.2024

Jammin’ Juan 2024

Palais des Congrès de Juan-les-Pins, 6 au 8 novembre 2024.

Cette septième édition de Jammin’ Juan organisée par l’Office de tourisme d’Antibes Juan-les-Pins a permis à de jeunes talents de présenter devant un parterre de directeurs de festivals, tourneurs, représentants de labels, journalistes et spectateurs, la production actuelle de la scène jazzistique dans toute sa diversité. L’événement proposait cette année, étalés sur trois jours, 18 showcases l’après-midi, suivis le soir de trois concerts. Soit un ensemble de 90 musiciens répartis dans 21 groupes. 

Comme les années précédentes, les répertoires des orchestres dont j’ai pu apprécier la prestation s’ouvrent largement à d’autres musiques que le jazz. Certains, à la recherche d’une voie personnelle, expérimentent des alliages sonores rares. Ainsi, la violoncelliste Adèle Viret dont les compositions portent la marque d’un réel talent mis en évidence par la combinaison violoncelle-trompette-batterie et le jeu dynamique du pianiste tunisien Wajdi Riahi qui s’était produit avec son trio à Jammin’ Juan en 2022. S’inscrivant dans cette mouvance, le groupe ‘Ndiaz insuffle un élan nouveau à la musique bretonne traditionnelle en utilisant, au service de la danse et de la convivialité, un format orchestral peu usité (accordéon et electravox, trompette, saxophone ténor, drums).

Oscar Viret, Adèle Viret
‘Ndiaz : Timothée Le Bour, Jerôme Kerihuel ,Yann Le Corre, Youn Kamm

Si la musique hors des sentiers battus de Djazia Satour & Pierre Luc Jamain défie tout classement, d’autres mêlent le jazz à un itinéraire qui leur est propre. C’est le cas de la chanteuse et bassiste Julia Richard qui concilie agréablement la pop, le rock, la musique latine et la chanson française et d’Helena Recalde dont le show combine le jazz à la musique des Andes incarnant ses origines latines. Fusionnant les genres, le pianiste-compositeur Christophe Imbs et son Soft Power ont exposé sous le signe de la liberté, une musique originale, évocatrice d’ambiances et de climats variés où jazz et electro créent un tout cohérent riche en surprises. 

Djazia Satour, Pierre Luc Jamain
Julia Richard

Une démarche qui est, au moins dans son principe, celle du virtuose du Oud et compositeur Mehmet Polat et du bassiste-compositeur Arin Keshishi d’origine arménienne qui proposent un projet inspiré par leurs racines orientales, porté avec authenticité par le groove du jazz. Le pianiste de formation classique Giorgi Mikadze s’inspire lui de la tradition folklorique de la Géorgie pour bâtir une musique d’un haut niveau, fortement vertébrée par le jazz, riche en trouvailles harmoniques et en perpétuelle évolution. Le pianiste Pablo Murgier suit une approche analogue en alliant tango et jazz.

Giorgi Mikadze, Cyril Drapé
Mehmet Polat
Arin Keshishi Quintet
Deelaram Kafashzadeh, Arin Keshishi
Pablo Murgier, Simone Tolomeo

La production du Berthé Trio niçois de Mickaël Berthelemy s’inspire de la chanson française, des bandes sonores de films, le tout cimenté par la musique de Keith Jarrett et le souffle jazzistique du piano contemporain de Brad Mehldau et de Tigran Hamasyan. Une composante jazz que revendique et exprime avec force et talent le quartette franco-américain No'(w) Beauty en nourrissant de belle manière la tradition. Une mention spéciale au Cuban Jazz Syndicate de Michael Olivera qui incarne avec ses solistes talentueux et une section rythmique de feu, une fusion naturelle et revigorante de la musique cubaine et du jazz, comme le faisait en son temps Dizzy Gillespie.

Berthé Trio
Macha Gharibian, Léa Maria Fries, Linda Olah, Kenny Ruby, Dré Pallemaerts

La prestation de Macha Gharibian, qui avait lieu le soir du 6 novembre dans le grand amphithéâtre du Palais des Congrès, mesure l’ampleur du chemin parcouru depuis 2017, date de son premier Jammin’ Juan, donc avant qu’elle ne soit primée aux Victoires du Jazz dans la catégorie “révélation” (2020). Pianiste, chanteuse, compositrice, Macha Gharibian pratique un métissage culturel de haut niveau en faisant vivre son héritage arménien aux sons du jazz étudié à New York. En découle une musique célébrant avec générosité et authenticité l’ouverture à l’autre.  Le lendemain sur la même scène, le trio Rouge de la pianiste Madeleine Cazenave a interprété des compositions originales figurant dans son deuxième album intitulé “Vermeilles”. En est ressortie une musique d’essence acoustique parée d’effets électroniques subtils évoquant des mondes imaginaires, mystérieux dans laquelle on retrouve une réelle intensité dramatique. Une belle cuvée.

Texte : Alain Tomas
Photos © OTC-Antibes
Photo d’ouverture : Fady Farah, Helena Recalde

PS : Je n’ai pu assister, à mon grand regret, aux concerts des groupes KLT & Elsa Palma, Simon Denizart, Mohs, Ink, Nora Kamm et Cotonete.