Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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10-12 juillet 2023.
Pas de têtes d’affiche coûteuses cette année à Jazz à Juan mais une programmation séduisante, inscrite dans la tradition du festival et ouverte à la diversité en faisant la part belle aux voix féminines et à un bon nombre d’artistes qui découvraient la scène de la pinède Gould pour la première fois.
Le lundi 10 juillet, Samara Joy, la nouvelle star du jazz vocal, a donné le coup d’envoi de la 62e édition du festival en effectuant une prestation exemplaire. Une manière bien à elle de mettre en valeur un texte, une diction immaculée, une palette vocale étendue où pointent les influences d’Ella Fitzgerald, au niveau du phrasé, et de Betty Carter, dont elle reproduit quelques maniérismes vocaux, caractérisent un art parvenu à maturité qui lui prédit un avenir doré inscrit dans la grande tradition du jazz (Star dust, Round midnight).
On retrouve ce dernier aspect avec Dee Dee Bridgewater qui, impeccablement soutenue par l’Amazing Keystone Big Band, interpréta des morceaux emblématiques d’Ella Fitzgerald (Undecided, A-tisket, a-tasket). Très à l’aise sur scène, Dee Dee Bridgewater sait dialoguer avec son public (parfois un peu trop), scatte avec brio (Lady be good) et se lance, pour la plus grande joie des spectateurs, dans des imitations de Louis Armstrong ou des duos avec un instrumentiste. La fête commence.
La soirée du mardi a démarré par “Night Trippin’”, un hommage de Matthis Pascaud et Hugh Coltman à Dr. John, qui reprenait pour l’essentiel le répertoire de leur disque du même nom paru en 2022. Utilisant des arrangements inventifs et une connaissance approfondie du répertoire, cette fine équipe a fait vivre avec talent et sans donner dans la décalcomanie musicale, le fameux gumbo de funk, de vaudou, de swamp blues et de rock louisianais concocté par Dr. John à la fin des années 1960. Un pari audacieux gagné haut la main.
En deuxième partie, Joe Bonamassa a produit son show habituel entre blues et rock avec l’énergie qu’on lui connaît. Si certains lui reprochent de sacrifier parfois l’émotion à la virtuosité, le public a lui apprécié les riffs incendiaires assénés avec force décibels, la puissance de sa voix et la pertinence de son répertoire (Evil mama, Self-inflicted wounds) ; le tout mis en valeur par un groupe bien rodé où se distingue l’excellent organiste Reese Wymans (ex-Stevie Ray Vaughan) que l’on aurait aimé entendre plus longuement. Chaud !
Mercredi, Jacob Collier a offert un spectacle haut en couleur comme sa réputation le laissait prévoir. Véritable homme-orchestre, il maîtrise le piano, la guitare, la contrebasse, la batterie ; utilise toutes les ressources de sa voix et possède une connaissance approfondie de l’harmonie. Auteur prolixe, Jacob Collier bâtit ses compositions en y intégrant des touches de jazz, de pop et de classique… Il est aussi passé maître dans l’art de manier l’informatique et dialogue avec son public avec un sens aigu du spectacle et des contrastes. Ainsi, après avoir déclenché un déluge sonore dans lequel il est parfois difficile de distinguer ce qui est joué en direct de ce qui a été préalablement enregistré, il se retrouve dans un moment d’accalmie, seul au piano ou à la guitare acoustique pour charmer les spectateurs. Étonnant.
Le groupe Deluxe qui prenait sa suite, se produisait aussi pour la première fois à Juan-les-Pins. Ravis d’être accueillis dans un festival de jazz, ces musiciens pratiquent aussi, mais dans une optique tout à fait différente, un mélange des genres où soul, funk, jazz et hip-hop se fondent en un son original. Véhiculant une énergie explosive, leur musique, à la fois déjantée et organisée, accompagne les pas de danse et porte la culture de la fête. Ce qu’a très bien ressenti le public qui termina le spectacle debout. Une soirée sous le signe de l’entertainment qui coïncida avec la fin de mon séjour à Juan.
Texte : Alain Tomas
Photos © Rivierakris
Line-up :
Lundi 10 juillet
Samara Joy (vo), Evan Sherman (dm), Mikey Migliore (b), Luther S. Allison (p).
Dee Dee Bridgewater & The Amazing Keystone Big Band : David Enhco, Félicien Bouchot, Vincent Labarre, Thierry Seneau (tp), Aloïs Benoit, Loïc Bachevillier, Bastien Ballaz (tb), Cyril Galamini (tb basse), Jon Boutellier, Eric Prost (ts), Kenny Jeanney (as, ss), Pierre Desassis (as), Ghyslain Ragard (bar, fl), Fred Nardin (p), Patrick Maradan (b), Thibault François (g), Romain Sarron (dm), Dee Dee Bridgewater (vo).
Mardi 11 juillet
Matthis Pascaud et Hugh Coltman “Night Trippin’ ” : Hugh Coltman (vo, g), Matthis Pascaud (g), Pierre Elgrishi (b), Raphael Chassin (perc), Karl Januska (dm), Christophe Panzani (ts).
Joe Bonamassa (vo, g), Reese Wynans (claviers, orgue Hammond), Calvin Turner (b), Lemar Carter (dm), Josh Smith (g), Jade MacRae, Dannielle DeAndrea (choristes).
Mercredi 12 juillet
Jacob Collier (voc, g, basse, claviers, dm), Emily Elbert (guitare, vo), Erin Bentlage (clavier, vo), Robin Mullarkey (basse), Alita Moses (percussions, voc), Christian Euman (dm, vo).
Deluxe : Liliboy (Elisa Poublan) (vo), Pépé (Clément Barba) (sax, p, vo), Kaya (Simon Caillat) (b), Kilo (Vianney Elineau) (dm, platines), Pietre (Pierre Coll) (g, vo, p), Soubri (Sacha Bertocchi) (perc, MPC).