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Live reports / 23.07.2019

Jazz à Sète 2019 (Part. 2)

17 juillet 2019.

« What we need? Soul Power! » Message reçu et largement diffusé par JP Bimeni et Michelle David, têtes d’affiche de la soirée groove de cette 24e édition de Jazz à Sète. Retour en mots et en images sur ce double plateau chargé d’une énergie tout sauf statique.

Sa rage au micro, il la puise dans son histoire faite de drames et de chambardements. Natif du Burundi, JP Bimeni a tout connu : la guerre civile sur fond de rivalités ethniques, trois tentatives d’assassinat qui ont failli lui ôter la vie, l’exil forcé au Pays de Galles puis en Angleterre, et enfin la révélation musicale au son de compilations d’Otis Redding. Redemption soul. Sa voix – profonde et vibrante – pourrait d’ailleurs rappeler sans mal l’interprète d’I’ve been loving you too long. Un atout qui lui a permis d’intégrer un temps les circuits londoniens au début des années 2000, avant d’être repéré par le label madrilène Tucxone Records. Offre d’emploi à saisir : devenir le chanteur du groupe espagnol The Black Belts. 2017 marque le début de leur collaboration avec un premier album “Free Me” hautement recommandable et totalement imprégné du son d’antan. Peut-être un peu trop pour des oreilles déjà sevrées de cuivres saillants, de basse rondelette et de mesures rythmiques très confortablement installées. 

Ce serait oublier la sincérité, l’humanité, la classe, en un mot la présence remarquable de JP Bimeni, jamais à l’économie et toujours avenant avec son public, comme lorsqu’il s’agit de prendre dans ses bras une spectatrice du premier rang pour appuyer le propos du touchant Honesty is a luxury. Pas le temps d’attendre que le destin le rattrape : le début du set est mené sur un train d’enfer (le batteur y laissera sa pédale de grosse caisse…) avec comme wagon de tête, une reprise TGV de Keep on running de Jackie Edwards. « On commence à avoir chaud », confie Bimeni, le visage perlé de sueur après avoir visité les quatre coins de la scène à l’aide de ses grands compas. 90 minutes de concert plus tard (rappel compris), l’énergie reste intacte, et la sincérité véritable chez ce jeune quadragénaire qui vit aujourd’hui pleinement sa vie. Pour oublier qu’un jour, d’autres ont voulu lui prendre.

JP Bimeni & the Black Belts

Sans talons – qu’elle décide de jeter au bout du troisième morceau – Michelle David a gardé sur elle le plein de talent qui caractérise cette Américaine remuante, souriante et touchante. Un petit bout de femme au phrasé tonitruant, totalement en phase avec la musique qu’elle incarne, la soul des grandes dames, Aretha, Etta, chantée à gorge déployée, la larme au coin de l’œil. Qu’elle agite ses formes généreuses sur la pulsation afrobeat de Up above my head, ou qu’elle décide de calmer le jeu dans une incantation churchy (Be still), à chaque fois les cœurs se nouent devant tant de sensibilité. Un adjectif qui peut aisément s’ajouter à ses musiciens, venus tout droit des Pays-Bas. Des membres éminemment actifs de la scène funk locale, avec qui elle a récemment enregistré le troisième volume de leurs “Gospel Sessions”. Un batteur inventif (Bas Bouma), un guitariste intenable (Paul Willemsen) et un trio cuivré aux barrissements sauvages : il n’en fallait pas davantage pour que le Théâtre de la mer chavire de bonheur, emporté par la houle de cette vague rétro.

Michelle David & The Gospel Sessions

Texte : Mathieu Bellisario
Photos © Frédéric David

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