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Live reports / 26.07.2024

Jazz à Sète 2024

19, 20 juillet 2024.

La programmation de la 29e édition de Jazz à Sète, avait une fois de plus de quoi faire de l’œil aux lecteurs de Soul Bag. Cory Henry, Meshell Ndegeocello, le collectif Black Lives figuraient en effet à l’affiche du festival dirigé par Louis Martinez. Mais le concert que l’on attendait le plus était celui de Fabrice Martinez.

Le trompettiste et son groupe interprétaient le répertoire de “Stev’in My Mind”, un album sorti en octobre 2023. Fabrice Martinez dit sa joie de se produire dans le décor magique du Théâtre de la mer en leader, une scène qu’il a foulée à plusieurs reprises en tant que sideman. Il explique au public le synopsis de son projet : « Imaginer Stevie Wonder qui retourne sur ses terres ancestrales du Ghana et qui entend sa musique des années 1970 traversée par des rythmes traditionnels africains. » Les trois premiers morceaux, qui voient déjà des danseuses et danseurs quitter les gradins pour investir la fosse, livrent l’essence du projet : une réécriture de chansons de la période 1970-1979 dans des versions purement instrumentales, portées par une machine à groove que Fabrice Martinez a formée spécialement pour ce programme. Le trompettiste ne tarde d’ailleurs plus à nous présenter « le centre névralgique du projet », à savoir le batteur-percussionniste Romaric Nzaou, venu de Pointe-Noire au Congo, spécialiste de musique traditionnelle africaine. À ses côtés, le bassiste franco-camerounais Raymond Doumbé et la claviériste Bettina Kee alias Ornette The Girl, « dont le clavier va nous faire danser sur Boogie on reggae woman », introduit Fabrice Martinez. 

En front line, Fabrice Martinez et Julien Lacharme portent le chant avec beaucoup d’émulation, en multipliant leurs “face à face” trompette-guitare. Le plaisir circule sur scène et dans le public. Les crescendos et la sophistication rythmiques déclenchent les acclamations du public autant que la joie d’un Fabrice Martinez rebondissant sur scène. Le temps d’un Visions revisité, il s’assied sur le devant de la scène pour un solo de bugle, alors que la lune couronne un ciel encore clair. Un programme original et réussi, joué à Sète deux mois après que Stevie Wonder, le jour de ses 74 ans, a obtenu la double nationalité américaine et ghanéenne. L’icône américaine avait exprimé dès 1975 son désir de s’installer au Ghana, d’où il pensait que sa lignée ancestrale pouvait être retracée.

Le batteur Romaric Nzaou revint sur scène presque 2 heures et demie après l’avoir quittée… invité le temps de quelques mesures à se substituer à Paco Séry à la fin du (très) long concert du groupe Sixun

Julien Lacharme, Romaric Nzaou, Fabrice Martinez © Frederic Volpato

La seconde partie de la soirée était en effet consacrée à ce groupe français dont la formation remonte à 1984 et dont la musique ancrée dans le jazz fusion a été le marqueur d’une certaine époque. Sur scène, le percussionniste Stéphane Edouard et le batteur Paco Séry forment un impressionnant double moteur. À leurs côtés, le bassiste Michel Alibo, le pianiste Jean-Pierre Como, Louis Winsberg à la guitare et Alain Debiossat au saxophone. Le groupe, qui puisait en partie dans son dernier album en date (“Unixcity”, sorti en 2022) comme dans son best of (AliGogo, ParaKali …) a annoncé qu’il fêterait ses 40 ans le 2 octobre 2024 à la Cigale à Paris. De ce concert-fleuve, l’on retient notre fascination pour le jeu de Stéphane Edouard, derrière son kit de batterie et de percussions au sommet duquel émerge une cowbell, une tresse de grelots… Et puis le solo de slap de Michel Alibo après des explications sur l’origine de sa Fender Jazz Bass Sunburst de 1964, customisée en couleur rose.

Michel Alibo © Frederic Volpato
Sixun © Pierre Nocca

Le lendemain, les Lehmanns Brothers ouvraient la soirée. Ce groupe français de funk chanté, aux influences soul et hip-hop, doit son nom au garage de l’avenue Lehmann à Angoulême où il a débuté en 2012. Sur scène, la personnalité de Julien Anglade capte l’attention : chanteur et claviériste, danseur, showman. La performance du groupe, rôdé par des dizaines de concerts et qui arrive du North Sea Jazz Festival, repose tout entière sur son charisme, son aisance scénique, sa façon d’interpeller le public ou encore de descendre dans la fosse et d’arpenter au pas de course le Théâtre de la mer. Julien est entouré de « ses frères de cœur et de musique » : le guitariste Alvin Amaïzo et le batteur Dorris Biayenda, à qui il dédie Trinity, un morceau figurant sur leur album “Playground” sorti en février 2024. À leurs côtés, un bassiste, mais aussi une section cuivre qui manque quelque peu d’espace d’expression. 

Sur la droite de la scène, dans la régie où s’affaire déjà la roadie du groupe FFF pour préparer un rack de six guitares, Marco Prince semble ne pas en perdre une miette. Chauffé à point, le public accueillera en seconde partie de soirée les quatre membres de ce groupe de rock qui a marqué les années 1990, coiffés de lunettes lumineuses FFF, et arrivés dans un tour-bus impressionnant dédié à leur tournée estivale.

Texte : Alice Leclercq
Photos © Frederic Volpato et Pierre Nocca
Photo d’ouverture © Frederic Volpato

Jazz à Sètelive report