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Live reports / 31.07.2023

Jazz à Vienne 2023 (11 juillet)

Pour le quatorzième jour de festival, les programmateurs proposent une soirée 100 % féminine au Théâtre antique avec Mavis Staples et Norah Jones, deux voix mythiques.

20h30 : Les premières notes d’If you’re ready (Come go with me) retentissent et les 8 000 spectateurs présents dans le vénérable amphithéâtre se retrouvent instantanément drapés dans un halo de joie et d’humanité. Mavis Staples est dans la place. Le répertoire du soir d’un set bien court (45 minutes, première partie oblige…) est un modèle d’équilibre entre des titres qui ont forgé la réputation des Staple Singers (Respect yourself, Sha na boom boom, The weight) et ceux issus de la carrière solo de la sémillante octogénaire (For what it’s worth, Take us back, Hand writing on the wall). 

L’équipe qui l’accompagne a connu des changements importants ces dernières années, mais, qu’il s’agisse des choristes (Saundra Williams en tête), de l’impeccable section rythmique Steve Mugalian-Gregory Boaz et de l’incontournable Rick Holmstrom à la guitare, tous ont pour mission d’être pleinement au service de la musique. On apprécie notamment la place toujours plus importante prise par ce dernier aussi bien au niveau des chœurs que du chant lead où il s’affirme en digne successeur de Pops Staples sur Respect yourself. Pas une mince affaire, pourtant !

Quant à Mavis, tour à tour espiègle comme une écolière (« La prochaine fois que je reviens ici, je vous chante une chanson en Français ! Vous verrez à quel point Mavis a progressé ! »), sincèrement touchée par le « Happy birthday » entonné à l’occasion des 84 ans qu’elle a eus la veille, elle force une nouvelle fois l’admiration par sa vitalité et prouve qu’assister à l’un de ses concerts demeure une formidable expérience musicale et humaine. 

Kelly Hogan, Saundra Williams, Rick Holmstrom, Steve Mugalian, Mavis Staples, Gregory Boaz
Rick Holmstrom, Steve Mugalian, Mavis Staples, Gregory Boaz
Rick Holmstrom

Mavis Staples
Rick Holmstrom, Mavis Staples, Steve Mugalian

À peine le temps de se remettre de la déception de ne pas avoir eu droit à un rappel que Norah Jones prend place derrière le piano de la scène du Théâtre antique pour une prestation d’1h30 qu’elle va mener à son rythme et avec la classe qu’on lui connaît. Qu’elle aille sur le terrain des inflexions jazzy (la reprise en solo de The nearness of you de Nat King Cole), country voire pop, qu’elle revisite les classiques qui ont fait son succès (Don’t know why, Come away with me, Sunrise) ou mette en avant son dernier single (Can you believe), la New-Yorkaise dégage l’assurance et la sérénité propres aux artistes accomplis qui maîtrisent leur art à la perfection. 

D’autant que, sans surprise, elle est divinement mise en valeur par une équipe haut de gamme. Le nom du batteur Brian Blade se retrouve ainsi sur bien des lèvres à l’issue du concert. Son jeu précis et relâché, d’une exquise finesse, est un vrai régal et ses camarades Dan Iead (guitare, pedal steel) et Chris Morrissey (basse, chœurs) ne sont pas en reste en la matière. Tant de qualités et de virtuosité n’empêchent toutefois pas une certaine monotonie de s’installer du fait d’un manque manifeste, mais assumé de variété dans les tempos et les ambiances. Pas de quoi freiner la ferveur et l’adhésion d’un public qui quitte les gradins indubitablement conquis et enthousiaste à l’issue de cette prestation. 

Norah Jones sur l’un des deux écrans géants qui encadrent la scène © Nicolas Teurnier

Changement de décor et d’ambiance pour la fin de soirée. Les plus acharnés prennent la direction du Théâtre François Ponsard, charmant théâtre à l’italienne situé à proximité du Jardin archéologique de Cybèle pour assister au concert des Staples Jr. Singers. Le sextet originaire d’Aberdeen, Mississippi s’est assurément imposé comme la révélation gospel soul de l’année 2022 avec la réédition de “When Do We Get Paid”, son album paru dans le plus grand anonymat 47 ans plus tôt.

Autour du noyau originel composé d’Annie Brown Caldwell (chant) et de ses deux frères A.R.C. (chant, guitare) et Edward (chant), la section rythmique dans laquelle œuvrent le mari d’Annie, Willie Joe Caldwell (guitare, chant) et ses deux fils Willie Jr (basse) et Abel (batterie) tisse un canevas délicieusement funky avec des titres construits autour de motifs simples et entêtants qui donnent au public une irrépressible envie de danser, chanter et battre le rythme.

Edward Brown, Annie Brown Caldwell, A.R.C. Brown (Staples Jr Singers)
Edward Brown, Annie Brown Caldwell
Edward Brown, Willie Joe Caldwell, Annie Brown Caldwell
Edward Brown, Annie Brown Caldwell

Le duo final au cours duquel viennent s’entremêler les voix et les guitares de Willie et A.R.C. vient brillamment conclure une soirée de grande qualité, fidèle à ce que le remarquable festival isérois propose depuis maintenant plus de quarante ans.  

Texte : Nicolas Deshayes 
Photos © Brigitte Charvolin
(Des conditions très restrictives de la part du management de Norah Jones nous ont coupé l’envie de la photographier.)

Edward Brown, A.R.C. Brown, Willie Caldwell Jr.
Edward Brown, A.R.C. Brown, Willie Caldwell Jr.
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