Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Retour sur les temps forts d’une 36e édition chargée d’émotions. Du 4 au 16 octobre 2022.
Toujours être conscient. De la chance de pouvoir ressentir chaque année les battements d’un festival à part, dont les quartiers principaux sont bâtis dans la cour du conseil départemental de Haute-Garonne, à la manœuvre depuis la première édition. Toujours être conscient aussi de la chance de voir des prix s’afficher aussi bas, malgré l’inflation qui galope.
Cinq euros le concert, et des souvenirs gravés à jamais. Car ils sont nombreux, jeunes comme moins jeunes, à se rappeler encore cet instant passé en compagnie de Sly Johnson. Une force vocale impressionnante (il faut l’entendre faire sien le Georgia on my mind de Ray Charles…) qui tranche avec cette timidité touchante quand il s’agit de parler sans fard au public, venu nombreux malgré l’heure assez inhabituelle (le concert a débuté à 18h30). Bonnes vibrations, messages d’espoir, vocalises et maîtrise ont infusé en continu une prestation à la partition impeccable, à l’image du duo de musiciens qui accompagne l’ancien Saïan sur scène : Anthony Jambon à la guitare (quel sens du placement) et Laurent Salzard à la basse (quel sens du groove). Ce trio, qu’on se le dise, c’est quelque chose.
Changement d’ambiance (plus blues que soul) et de lumières (plus feutrées) quelques minutes plus tard avec la prestation du britannique Hugh Coltman. Gentleman défricheur qui s’attaque cette fois-ci au répertoire dense, poisseux et exigeant de Dr. John, période 1968-73. Une ambition certaine, captée sur disque (“Night Trippin’”, 4,5 étoiles dans notre numéro 248) et déclinée sur scène avec toujours cette même volonté : celle de rendre hommage au maître tout en affirmant son propre style, tantôt sauvage, tantôt contenu. Parfaitement saisi de nuances, avec une énergie remarquable, partagée avec une invitée de choix (Moonlight Benjamin) et portée par la guitare possédée de Matthis Pascaud, à l’origine de ce projet fou. Et follement réussi.
Lendemain difficile. Très difficile. Sur scène, un habitué du festival, le griot Anthony Joseph. Tout de cuir vêtu, lunettes sombres, drapeau de Trinidad dans son dos, et des incantations de jazz fusion pour étirer le temps. Qu’on aurait aimé retenir quand, après un long solo tenu quasiment d’un souffle, son saxophoniste Jason Yarde s’est écroulé, victime d’un AVC. Arrêté après une petite trentaine de minutes, le concert ne reprendra pas. Hospitalisé dans la soirée, le musicien a été pris en charge par les services toulousains. Il est actuellement en convalescence. Une cagnotte a également été organisée en ligne pour lui venir en aide et accompagner son rétablissement (https://www.gofundme.com/f/jason-yardes-stroke-rehabilitation-journey).
Difficile d’oublier ces images. La souffrance d’un homme. Et ce sentiment d’impuissance qui nait face à l’effroyable et l’inattendu. 24 heures plus tard, c’est pourtant devant cette même scène que le public s’est rassemblé, transformant le tragique en magique grâce à l’armada cuivrée du Hypnotic Brass Ensemble. Sexy, groovy, d’une puissance sonore monumentale (impossible de rester assis malgré les chaises pliantes bien alignées) et d’une générosité sans faille : spectateurs invités à monter sur scène et gros hug des familles entre les membres du groupe et les quelques personnes réunies à la buvette juste après le concert. Des moments rares qui font aimer la musique. Et encore plus la vie.
Texte : Mathieu Bellisario
Photos © Frédéric David