Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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25 novembre 2022.
Il a fallu tout l’acharnement de DJ Amir – la moitié du duo Kon & Amir, connu en particulier pour la série de compilations “On Track” à la fin des années 1990 – pour mettre en lumière la maigre mais fantastique discographie du label de Détroit Strata. Propriétaire du catalogue depuis une dizaine d’années, il le fait vivre à coup de rééditions, de compilations et de publications d’inédits sur son label 180 Proof Records. Désormais installé à Berlin, il s’associe avec le collectif Jazzanova pour proposer une relecture du répertoire du label avec le très réussi album “Strata Records – The Sound Of Detroit Reimagined By Jazzanova”, paru en avril 2022, et c’est ce disque que la déclinaison live du groupe venait jouer sur la scène du New Morning.
Bonne surprise dès l’ouverture des portes : c’est DJ Amir en personne qui se charge de faire monter la température dans un New Morning qui se remplit progressivement avec une belle sélection d’obscurités soul, jazz et électro. Il prend ensuite le micro pour expliquer le projet avant d’accueillir sur scène Jazzanova en version “live band” emmené par l’un des membres fondateurs du collectif, Stefan Leisering, ici aux bongos et aux machines, avec Christoph Bernewitz à la guitare, Stefan Ulrich au trombone et aux machines, Paul Kleber à la basse, Sebastian Borkowski à la flute et au saxophone, Florian Mezel à la trompette et au bugle, Jan Burkamp à la batterie et Christoph Adams aux claviers, ainsi que le chanteur Sean Haefeli, découverte majeure du disque avec son chant entre Gil Scott-Heron et Donald Smith. Il est d’ailleurs mis en avant dès le début avec une série de titres chantés parmi lesquels l’irrésistible Creative musicians (emprunté à Leonard King) et le superbe Face at my window, issu de l’album longtemps resté inédit du saxophoniste Sam Sanders.
Si le répertoire emprunte largement à l’album dédié à Strata, le groupe se plonge également dans les classiques propres de Jazzanova, et Morning scape, issu de “Of All The Things”, est accueilli par des cris de joies des fans du collectif. C’est aussi le cas, quelques morceaux plus tard, de ce qui est sans doute le plus grand “tube” – toute proportion gardée – du catalogue Strata, le Saturday night special du pianiste Lyman Woodard, qui fait l’objet ici d’une interprétation à rallonge – magnifique solo de flûte de Sebastian Borkowski – portée par une rythmique qui assume sa tentation discoïsante. Sean Haefeli se glisse sans problème dans les pas de Paul Randolph, l’ancienne voix du collectif, pour le classique Human, tandis que le piano électrique inspiré de Christoph Adams illumine le beau No use, un autre titre du répertoire du collectif.
C’est d’ailleurs avec un autre de ses classiques, Now there is we, que commence le rappel demandé avec enthousiasme par le public, avant que la soirée se termine en beauté avec le Loser de Sam Sanders. Au vu de la réussite du concert – qui a attiré de nombreux jeunes spectateurs –, il serait dommage que les organisateurs de festivals de goût ne pensent pas à Jazzanova pour leur programmation estivale…
Texte et photos : Frédéric Adrian