Fantastic Negrito, Son Of A Broken Man
13.12.2024
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Les rééditions de Jimmy Rushing ne manquent pas, pourtant si l’on recherche plus précisément les faces qui firent sa réputation au sein de l’orchestre de Count Basie, la moisson se révèle plutôt maigre, et plus encore si l’on souhaite entendre le chanteur de blues si souvent cité en référence. C’est pourquoi, mine de rien, cette anthologie proposée par Jasmine vient combler une lacune.
Le compilateur a choisi vingt faces gravées entre 1937 et 1944, généralement disséminées sur des albums de Basie, où le blues est à l’honneur. Même si c’est pour Rushing et ses confrères Big Joe Turner ou Jimmy Witherspoon qu’on a inventé le terme de “blues shouters”, il ne faut pas attendre d’eux des hurlements mais, au contraire, l’art de projeter leur voix au-dessus d’un big band, à une époque où l’amplification n’était pas de mise. Chez Rushing, c’est cette puissance contenue, cette aisance et cette classe qui impressionnent, en totale adéquation avec le contexte. Il est bien un chanteur d’orchestre – l’un des tout meilleurs de l’époque –, avec des musiciens d’exception (Lester Young, Buddy Tate, Don Byas, Sweets Edison, Dicky Wells… mais non cités !), un poumon rythmique infaillible (Freddie Green, Walter Page, Jo Jones), un chef et pianiste brillant. Et des arrangements aussi élégants qu’efficaces, jouant sur les contrastes.
Alors, jazz ou blues ? À ce stade d’excellence, la question ne se pose guère. La voix grainée de Rushing insuffle des nuances inattendues à Evil blues ou I left my baby. Et que dire de I’m gonna move to the outskirts of town, créé par Casey Bill Weldon en 1936, que l’orchestre fait follement swinguer ? Avant d’entamer une brillante carrière sous son nom, en 1945-46, Rushing ne fut guère dépaysé avec les big bands de Johnny Otis et Jimmy Mundy dont 4 faces clôturent judicieusement l’album.
Jacques Périn
Note : ★★★★½
Label : Jasmine
Sortie : 8 janvier 2021