Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Coutances, 16 mai 2023.
Jontavious Willis se présente seul avec sa guitare et ses harmonicas et nous fait de suite entrer dans un univers de douceur blues, où il mêle des reprises de blues ancien et ses compositions qui auraient pu être écrites par les héros qu’il célèbre et qui, par leur fraîcheur, leur dynamisme, montrent que le blues acoustique traditionnel est intemporel.
Si son jeu de guitare, fluide et délié, force l’admiration, que faut-il dire de son chant ? Il y en a peu qui comme lui peuvent porter ce type de blues avec autant de charisme dans la voix, de ferveur, de joie aussi apparente, d’autant qu’elle masque des thèmes parfois dramatiques. À la guitare, à l’harmonica, a cappella, sa voix enchante, emporte et redonne vie à des standards comme Early in the morning ou Make me a pallet on the floor, et fait briller ses compositions comme The world is in a tangle ou The blues is dead ? qu’il chante en medley avec Careless love.
Un moment de grâce brusquement interrompu sur ordre du management de Robert Cray – l’organisation du festival le confirmera plus tard – qui tient à ce que l’horaire soit respecté. Le public n’apprécie guère et le fait savoir, ovationnant Jontavious lorsqu’il traverse la salle pour aller au stand de dédicaces, puis grondant quand la personne à qui échoit la mission devenue délicate d’annoncer l’arrivée de Robert Cray prend la parole.
Pour ne rien arranger, l’entrée en scène des musiciens se fait au son d’une bande enregistrée demandant au public de ne prendre ni enregistrement audio ni vidéo, ni même de photos. Ce démarrage est bizarre et la présence scénique pour le moins statique de Robert Cray et ses musiciens, exception faite de Richard Cousins à la basse qui bouge un peu, ne fait rien pour réchauffer la salle. Précisons ici que tout le monde est assis, qu’il n’y a aucune fosse pour être debout devant la scène, ce qui n’aide pas non plus les musiciens auxquels aucune énergie n’est renvoyée.
Une fois cela réalisé et intégré, il y a la voix de Robert Cray et son jeu de guitare, uniques, identitaires, qui restent donc des attractions rares. Robert ne semble rien forcer, mais il émane de lui, son chant et son jeu de guitare, une force très particulière, avec un son à nul autre pareil. Sa main droite est fascinante à regarder, passant des accords au picking avec une facilité déconcertante. Il peut enchaîner des classiques revisités comme Sitting on top of the world, ses propres standards comme Strong persuader, Bad influence, Phone booth – avec deux solos de guitare monstrueux –, une reprise de Bobby Bland, tous joués selon le même schéma, chant, solo de guitare et, parfois, un solo d’orgue de Dover Weinberg, au rythme imperturbable de la batterie de Les Falconer.
C’est bien fait, très propre, peut-être trop, sans réelle communication avec le public, qui peut se demander pourquoi Robert change aussi souvent de guitare. Il doit y avoir un gros chariot de Stratocaster sur le côté de la scène. Il y aura tout de même un rappel, à l’heure et de la durée prévues, avec I shiver, mais sans le formidable solo du disque, et Time makes two.
Une soirée qui laisse donc des sentiments mitigés, mais il faut retenir la chance que nous avons eue de voir et entendre deux grands chanteurs-guitaristes, l’un en pleine explosion, l’autre très professionnel, tous les deux exceptionnels.
Textes et photos : Christophe Mourot