Dans ce second album court et varié, le bluesman géorgien démontre l’étendue de son talent en adoptant plusieurs styles, du Hill Country blues à la ballade R&B sans oublier bien entendu les formes rurales et acoustiques. Les chansons sont drôles, notamment quand Willis utilise les sonorités les plus antiques pour exprimer sans détour ses difficultés avec les femmes. Long winded woman, à l’orchestration dixieland, est une des plus belles réussites de l’album. Dans cette chanson, comme dans les autres qui arrivent à leur but, on arrête de se poser la question du siècle qui sépare le jeune homme de ses inspirations musicales : on ne peut que constater l’évidence et hocher la tête en souriant.

L’album nous balade entre des morceaux d’anthologie (Daddy’s dough, Take me to the country) et des expérimentations honnêtes dans des styles ou Willis est toujours bon, mais où il peut perdre son originalité. Keb’ Mo’ est aux manettes et ça s’entend, notamment dans les morceaux électriques, un peu moins intéressants malgré des paroles souvent bien senties (Friend zone blues). Les cordes de steel guitar claquées y sont remplacées par un groove poli, et les phrasés tordus qui font dresser l’oreille y sont redressés au tuteur pentatonique. On peut rêver d’un disque qui parviendrait à mettre en avant la pulsion innovatrice de Willis, sans éluder la nature fondamentalement acoustique et rurale de son style. 

Jontavious a 22 ans et un talent explosif qui nous fait anticiper les albums qui se situent devant lui. Cette galette est suffisamment nourrissante pour nous faire patienter d’ici là. 

Benoit Gautier 

Note : ★★★★
Label : Kind of Blue Music
Sortie : 5 avril 2019