Kelly Finnigan confectionne des disques comme on n’en fait plus. En artisan ; avec soin, patience et minutie. Son obsession du détail et son goût pour le faste évoquent les singles Motown, Brunswick, ­Curtom ou Hot Wax que ce discophile invétéré connaît sur le bout des doigts.

Qui d’autre que lui, à l’ère du streaming et de la fabrication automatisée à base d’intelligence artificielle pour embaucher une telle armada de cuivres et de soufflants (quatre saxophonistes, trois trompettistes, deux trombonistes, un flûtiste, un corniste, un hautboïste), une section de cordes,  quatre choristes, auxquels s’ajoutent vibraphone, congas et clochettes, plus un fabuleux trio rythmique constitué de Joe Crispiano (Dap-Kings), Jimmy James (Delvon Lamarr) ou Joe Ramey (The Ironsides) à la guitare, Max Ramey à la basse et Jay Mumford à la batterie (plus connu sous son pseudo hip-hop J-Zone), le tout immortalisé par ­Sergio Rios (Orgone) à la co-ingénierie sonore. Aussi spectaculaire soit-il, ce wall-of-sound 2024 paraîtrait vain sans l’apport du Monophonics en chef dont le raffinement des compositions, du chant, des claviers, des arrangements et de la production laisse pantois d’admiration.

On rentre dans ce disque féérique comme dans une cathédrale enchantée. Toujours aussi doué pour les love songs nostalgiques qui perforent le cœur à chaque écoute (Cold world, belle à tomber, Let me count the reasons, Walk away from me), ­Finnigan se distingue également dans des styles qu’on lui pensait moins familiers : northern soul enflammée (Get a hold of yourself, où il use de coups de gorge à la Otis ­Redding), funk façon Meters (Chosen few) ou soul sudiste solaire constellée d’accords majeurs (Prove my love). Sans oublier le chef-d’œuvre du recueil, All that’s left, phénoménale ballade en arpèges sous-tendue d’orgue, de violons, de tambourin et couronnée du chant magique de Finnigan, ce merveilleux poète des âmes brisées. 

Ulrick Parfum

Note : ★★★★★ (Le Pied)
Label : Colemine
Sortie : 18 octobre 2024