Ronnie Foster, New Morning, Paris, 2024
06.11.2024
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18 octobre 2024
Six mois après la publication de son excellent dernier album (“1975”), le groupe nantais prenait possession de la salle Georges Brassens à Villiers-sur-Marne (94) pour un set qui, comme à son habitude, se distingua par la qualité de son écriture et de son interprétation, son plaisir de jouer, sa connivence communicative et son empathie naturelle. Aller voir Malted Milk, c’est la garantie de passer une soirée remplie d’ondes positives.
Il faut aussi remercier l’équipe des affaires culturelles de Villiers-sur-Marne qui, malgré des contraintes budgétaires serrées et la désaffection d’un sponsor indélicat, a maintenu inchangée sa programmation, offrant ainsi aux habitants de l’Est francilien la possibilité d’assister à un excellent concert de funk et de soul sans devoir subir les désagréments d’un Paris devenu chaque jour plus inaccessible aux banlieusards… Salle vaste et confortable, conditions d’écoute optimales (volume sonore élevé juste comme il faut, balance bien équilibrée), visibilité optimale, accueil sympathique : venu nombreux, le public familial n’a pas boudé son plaisir durant la petite heure et demie que dura le set.
Après une intro instrumentale pour se dégourdir les doigts, le groupe entame les festivités avec l’une des chansons les plus marquantes de son dernier CD, le single A little bit of soul, dotée d’arrangements et de breaks retravaillés par rapport à la version originale. Un bonheur de groove suivi de la super funky I.M possible, chapeautée d’un bouillonnant solo de trompette signé Pierre-Marie Humeau. Arnaud Fradin troque alors sa rutilante ES 339 sunburst pour une guitare acoustique et calme le jeu avec la belle et nostalgique Better now dont les sha la la la las sont repris par un public enthousiaste et conquis. L’orchestre persévère dans le registre mellow soul avec la fondante To build something, extrait de leur opus précédent, le remarquable “Love, Tears & Guns” de 2019. La section rythmique (les fidèles Igor Pichon à la basse et Richard Housset à la batterie) est impressionnante de souplesse tandis qu’Arnaud décoche son fameux falsetto, douillettement soutenu par les chœurs d’à peu près tout l’orchestre.
Back to the future avec la bluesy Easy baby (sortie en 2005 sur le CD éponyme), pourvue d’un riff en béton armé et démontrant à quel point leur répertoire résiste aux affronts des ans. L’orchestre migre vers un groove à la Maceo avant que Vincent Haubert, aussi bondissant que son collègue trompettiste, ne conclue les échanges sur un vrombissant chorus de trombone. L’ambiance redevient feutrée avec l’inédit What a night, orienté soul ’70s, prémisse d’un nouveau disque annoncé pour fin 2025. Après un détour par Trust me in the morning (tiré du EP de 2021 “Ridin’ High”) dans lequel Eric Chambouleyron (guitare rythmique) et Damien Cornelis (claviers) tricotent de délicieux soli jazzy, le groupe renoue avec le funk cinématographique de 1975, appuyé de wah-wah, de clavinet et de solos de guitare où le sound velouté, le vibrato délicat et les tirés à la Albert King d’Arnaud font merveille. Second inédit réussi, It’s alright, ponctué d’un beau chorus de guitare wah-wah, prélude à l’éthérée King without a crown, tirée de “1975” (6 extraits sur 8 au total).
Le concert, que l’on aurait aimé plus long, prend déjà fin avec Nothing to lose, single ultrafunky de 2022 qui évolue en jam dont les points culminants seront un énorme solo de basse douché à l’enveloppe filter, à la wah-wah et à l’octaver et les ébouriffants échanges rythmiques entre les deux guitares (complémentaires s’un bout à l’autre du set), Arnaud aux accords funky, Eric en lignes en note à note. Le rappel fédérateur Do what you must verra la majorité des spectateurs, extatiques, onduler en rythme près de la scène pour se ruer ensuite vers le stand de disques et de t-shirts, tenu par des musiciens tous sourires, accessibles et ouverts, ravis d’échanger sans filtres avec leurs fans. Oui, les soirées sont décidément belles en compagnie de Malted Milk.
Texte : Ulrick Parfum
Photos © Margaux Rodrigues