Classé 53^e meilleur guitariste de tous les temps par le magazine Rolling Stone, sideman aux centaines de sessions R&B, moitié du duo Mickey & Sylvia dont le Love is strange fit le tour du monde, immigré en France en 1962 où il mourut en septembre 2012, Mickey Baker a voulu raconter lui-même l’histoire de sa vie. À cette fin, il s’est confié à son ami danois Jesper Ismael. À charge pour ce dernier de transcrire trente-cinq heures de conversations enregistrées. Ces “mémoires” s’arrêtent aux années 1970, après un terrible choc affectif. La suite est rapportée, dans une postface de 80 pages, par un autre ami proche, Yves Gabay, également chargé de la traduction des transcriptions d’Ismael. Ce dont il s’acquitte brillamment, rendant parfaitement la verve de Mickey Baker.

D’emblée, le lecteur est entraîné dans l’Amérique pauvre du milieu du XXe siècle, celle de la misère la plus sordide, celle qui voit naître McHouston Baker. Même lorsqu’il s’extraira de ces “bas-fonds” et connaîtra la gloire et la fortune, les stigmates de ce passé resurgiront souvent. Mickey Baker ne fait aucune concession, n’épargne personne, à commencer par lui-même. Sans doute grossit-il parfois le trait, mais c’est pour donner plus de force à son récit. Sa férocité est toutefois tempérée par un humour et une autodérision salutaires.

Certains lecteurs de Soul Bag se souviendront peut-être de la longue interview (15 pages, un record !) de Mickey Baker que nous publiâmes en 1982 (n° 90-91), ils retrouveront beaucoup des épisodes et anecdotes rapportés ici, avec beaucoup d’autres. Là où nous insistions sur l’aspect musical, Mickey préfère s’attarder sur des événements plus personnels, intimes quelquefois. 

La discographie, pompée sur celle de Kurt Mohr (crédité Kurt Motte !) que nous avions publiée, est rendue confuse par sa présentation alors qu’un index fait défaut. À ces détails près, la lecture d’Alone apporte une vision inédite d’un univers artistique riche et livre le portrait sans fioriture d’une personnalité complexe. Recommandé.

Jacques Périn

• Alone
Par Mickey Baker
Propos recueillis par Jesper Ismael
Séguier, collection L’indéFINIE, 768 p, 22 €