Montfort-sur-Meu, 15 et 16 novembre 2024.

Par la qualité de sa programmation et de son accueil, le festival Montfort Blues s’est construit une réputation solide qui attire toujours plus de monde année après année. L’édition 2024 a affiché complet pour ses deux soirées, et rempli les deux lieux de concert “off”, y ajoutant une séance de cinéma avec une rediffusion de Ray.

Tout commence le vendredi 15 novembre à la salle du Confluent, copieusement garnie en pré-réservation et qui sera finalement aisément remplie avec les entrées directes. Il ne fallait pas être en retard car Lucky Pepper démarre sur les chapeaux de roues. Aucun problème puisque c’est exactement ce qu’on attend de Geoffrey, chant et guitare, JP Cardot, piano, Julien Lacombe, basse, et Rémi Puglisi, batterie. Leur rockin’ blues nerveux et maîtrisé met de suite le public en mouvement. Avec deux disques publiés et deux (!) autres en préparation , il y a de quoi dérouler un set rempli de moments forts, ceux qu’on connaît et adore, et ceux qu’on découvre. Morceaux chantés à rythme rapide, instrumentaux qui déboulent sans prévenir, et le hit Shoe shy boy en final, avant un rappel plus doux avec Look out the window, la soirée est d’ores et déjà réussie.

Dom Pipkin & The Ikos prennent la suite avec leur musique néo-orléanaise, le leader au piano et au chant, accompagné de guitare, basse, batterie, trompette et saxophone. Dom a de l’énergie à revendre, et ça tombe bien car un son brouillon va empêcher de bien entendre les autres musiciens, jusqu’à son propre chant. Cela s’arrange un peu au fil du set et on peut enfin profiter des reprises, Iko iko, Going home tomorrow, Go to the Mardi Gras, et des compositions comme The breakdown blues. Le final peut faire tiquer avec une version boostée de Power of love de Huey Lewis, en medley avec Owner of a lonely heart.

Dawn Tyler Watson est très bien accompagnée, avec Ben Racine à la guitare, Kaven Jalbert au saxophone, Vinz Pollet-Villard aux claviers, Antoine Escalier à la basse et Pascal Delmas à la batterie. Comme déjà évoqué par Jacques Périn pour le Bay-Car Festival, c’est une formation qui se connaît bien et qui peut donc livrer un très beau concert, cohérent, solide, entraînant. Le répertoire est gentiment présenté par Dawn, dans un délicieux mélange de français avec accent canadien, et anglais. Sa voix est douce quand elle parle, forte quand elle chante et mène son monde. Musiciens et public ne demandent que ça, et tout le monde reprend en chœur les phrases classiques de blues qui ne le sont pas moins, the blues is alright en tête, en fin de set.

Le samedi 16 novembre commence avec le duo Shook Me, dans la salle du Quinconce, où l’on peut écouter la musique, boire et manger en toute convivialité. Le duo égrène avec conviction, quelques compositions, et des reprises choisies de, entre autres, Mississippi John Hurt ou J.B. Lenoir.

À 17 heures, le Gallop’1 se remplit très rapidement pour profiter des Honeymen. Les frères Jimmy et Elmor Jazz sont accompagnés de Guillaume Feuillet à la guitare et nous font vivre un grand moment de blues bien chaud. L’expérience et la valeur montante se mélangent pour donner à leur blues une consistance épaisse, riche, qui fait chaud au cœur et au corps. Chant direct, harmonica à tomber par terre, guitare brillante, et spectacle Elmorien, moments forts avec Rainin’ in my heart – le solo d’Elmor –, Straighten up baby – celui de Guillaume –, c’est le blues qu’on aime et dont on veut une dose tous les week-ends.

La soirée s’ouvre avec le Bouexi Band, au titre du prix Montfort Blues que le groupe a remporté au tremplin des Rendez-Vous de l’Erdre en août dernier à Nantes. Christophe Chevalier (vo, mélodéon), Tristan Auvray (vl, chœurs), Thomas Ottogalli (lead g, chœurs), David Dutertre (g, chœurs), Philippe Jaumier (b) et Christophe Baillet (dm) ont une belle allure vestimentaire qui séduit de suite. Chant en français, guitares au son bien chaud, violon mélodieux, rythmique dansante, accordéon diatonique, chansons qui font vivre des bonheurs des drames, des sourires, tout est là pour que leur country rock cajun, avec ses hits comme le rocker T’es pas levée ou l’immense Valse à Duralde, ses belles nuances bluesy, marque le public qui adhère et se met spontanément à danser.

À leur suite, Michael Arlt à l’harmonica et au chant, son frère Andreas à la guitare, Fabian Fritz aux claviers, Henning Hauerken à la basse, Andre Werkmeister à la batterie, soit B.B. & The Blues Shacks, confirment leur place parmi les plus grands du blues européen, et au-delà. Leur show transpire la maîtrise, la classe, le bonheur de jouer ensemble, l’envie de partager. Ils jouent avec feeling toutes sortes de blues, en reprenant Ray Charles, Otis Clay, Little Milton, B.B. King, Slim Harpo, William Clarke, ou glissant leurs compositions dans le ton. Le chant est puissant, les instruments brillent, avec des solos d’anthologie à la guitare et à l’harmonica, les cinq compères se connaissent par cœur, il n’y pas de temps mort, on ne s’en lasse pas !

Malted Milk clôt superbement la soirée avec son funk blues grand teint. On reste admiratif face à la maîtrise musicale et scénique évidente, et le spectacle qui en découle, précis, huilé, emmené par le chant et la guitare impeccables d’Arnaud Fradin, les claviers de Damien Cornélis, les riffs de Pierre-Marie Humeau à la trompette et Edouard Wallyn au trombone, et le rythme de Eric Chambouleyron à la guitare, Richard Housset à la batterie et Igor Pichon à la basse. C’est une très belle machine, peut-être trop propre, on se surprend à attendre des moments de folie qui ne viennent pas vraiment. Mais il y en des forts, puisant dans le nouvel album “1975”, mais aussi dans le reste d’un répertoire très riche. Réentendre, par exemple, Easy baby, de 2005, avec un tel dynamisme fait du bien.

Bravo aux programmateurs Nico Sturma et Cédric Cobret, merci à l’association Roazhon Blues et à la ville de Montfort, en espérant se retrouver sur place en 2025.

Textes et photos : Christophe Mourot