Cherise, Pop-Up du Label, Paris, 2024
09.12.2024
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Le 7 octobre, Le Michelet accueille Stagger Lee avec Warren Mutton en première partie. Warren est le chanteur guitariste du fameux duo Ko Ko Mo mais il se produit en solo ce soir, commençant même par un audacieux morceau a cappella, ponctué de quelques claquements de main. Ce jeune homme est un vrai chanteur ! C’est aussi un showman expérimenté, qui va faire monter la tension en prenant ensuite une guitare à résonateur, puis un harmonica, sur une reprise de Tony Joe White, et enfin sa guitare électrique, avec laquelle il livre une reprise de I just want to make love to you très saturée et très prenante.
Stagger Lee est LE all-star Nantais avec Arnaud Fradin à la guitare et au chant, Max Genouel à la deuxième guitare, Thomas Troussier à l’harmonica, Miguel Hamoum à la basse et Hugo Deviers à la batterie. Le répertoire du groupe est fait de reprises de Magic Sam, Little Walter, Jimmie Vaughan, Lurrie Bell, Eddie C. Campbell, Bobby Bland et d’autres encore, comme autant de possibilités pour Arnaud, Max et Thomas d’enchaîner des solos stratosphériques, les deux derniers le faisant sous le regard bienveillant du premier. Quand le talent et la complicité se rencontrent, ça donne Stagger Lee.
Le 14 octobre, Mo Al Jaz & Friends sont au Buck Mulligan’s pour rendre hommage à Little Walter. Les “Friends” sont Nico Duportal et Max Genouel aux guitares, Miguel Hamoum à la contrebasse et David Avrit à la batterie. On connaît l’amour de Mo pour le héros de l’harmonica et on en profite avec plaisir, d’autant que, s’il envoie de nombreux et juteux solos d’harmonica, il laisse aussi la place à Nico et Max pour des solos tout aussi juteux, ce qui donne une nouvelle vie aux morceaux originaux.
Le 21 octobre, Le Caboulot de Nantes accueille Prun’ de Blues, pour une séance “live” qui complète les parties enregistrées en studio avec Francis Rateau, Rebecca Eskenazi et votre serviteur. Nous avons l’honneur et le plaisir de recevoir Benoit Blue Boy et Stan Noubard Pacha en duo acoustique, de passage en ville pour un concert au Buck Mulligan’s le même soir avec Nico Duportal. Ils sont accompagnés du regretté Denis Leblond. Quelques titres portés par la gouaille inimitable de Benoit, son harmonica sudiste et la guitare impeccable de Stan, il n’en faut pas plus pour mettre la soirée sur orbite.
Leur succèdent The Soul Seeders, orchestre de soul, composé de Lucie Haddad au chant, Patrick Ychard aux claviers, Matthieu Vinas à la guitare, Romain Nicol à la basse, Pierre Carlin à la batterie, Julien Roblet à la trompette, Nicolas Vrancken au trombone, et Bertrand Robert au saxophone. La section d’instruments à vent s’impose vite comme le point central de la musique du groupe, au moins au même niveau que le chant de Lucie Haddad. Arrangements originaux, solos de qualité, c’est une sorte de soliste à trois voix qui impressionne. Le répertoire est original rappelant régulièrement l’ambiance et le son Daptone mais, encore une fois, avec des cuivres qui ont leur propre personnalité.
Pour le reste d’octobre, direction le sud-ouest de Nantes, le très grand sud-ouest de Nantes en fait, pour aller au Bluescamp de Christian Boncour à Villeneuve-Sur-Lot et Tournon d’Agenais, dont nous avons parlé ici. Mais c’est aussi l’occasion de découvrir un artiste et un lieu au passage. C’est ainsi qu’on se retrouve le 23 octobre, pour un dîner et un concert Chez Tonton à Saint Aubin dans le Lot-et-Garonne avec le guitariste-chanteur Karl Strand, accompagné de Jo Pento à la batterie.
Comment quelqu’un qui a accompagné Long John Hunter à la basse partout dans le monde pendant des années finit-il par s’établir dans le Lot, c’est une question qu’il faudra poser à l’intéressé. Pour l’heure, on profite de son répertoire country rock électrique, fait de compositions originales parsemées de références à Bo Diddley, Chuck Berry, John Lee Hooker, portées par des textes remplis d’humour désabusé. Faisant fi de la set list, Karl annonce les morceaux à Jo via quelques accords de guitare, faisant dire à ce dernier qu’il vit une « soirée R.L. Burnside » ! Cela n’empêche pas de passer une bonne soirée bercée par un jeu de guitare tout en rythme et une voix nasillarde qui transforment l’endroit en honky tonk du Sud-Ouest.
De retour à Nantes, nous sommes au Bal Pop le 6 novembre pour retrouver Stomp Stomp. Pour le plus grand plaisir des nombreux danseurs présents, David Avrit, chant et batterie, Thomas Croguennoc, saxophone, Franck Beele, trompette, Thomas Mayeras, piano, et Jeff Vincendeau, contrebasse, égrènent des titres de Fats Waller, Nat King Cole, Erskine Hawkins et autres standards, sans oublier leurs propres compositions comme Toot that thing. Le son est beau, l’ambiance est légère comme les pas de danse qu’on peut admirer sur la piste, c’est une bonne soirée.
Le week-end du 19 et du 20 novembre se passe à Montfort-sur-Meu pour le Montfort Blues Festival dont le live report se trouve ici.
Une bonne partie de la semaine suivante, du jeudi au samedi, est dévolue à l’événement Culture Bar Bar, qui propose des concerts gratuites dans de nombreux bars de Nantes et des environs, mais un genou qui décide soudainement de partir en vrille m’empêche de suivre un programme soigneusement concocté et je rate donc les Back Scratchers, Jakez & the Jacks, Philippe Ménard, Tampa Road, Bo Weavil, Johanna Riboud Reyjasse, Red Cabbage et les Freaky Buds.
À coups de ponctions et d’injections diverses, la capacité à se déplacer revient suffisamment pour aller à la Brasserie artisanale et solidaire Tête Haute, au Cellier, le 3 décembre. Comme son nom l’indique, l’endroit propose une gamme de bières variées que, animés de notre habituel esprit pionnier, nous explorons méthodiquement. Pendant ce temps sur la scène, Mockingbirds & the Blues Committee démontrent qu’ils sont bien l’un des meilleurs groupes de blues sudistes de la scène française. Reprises de Slim Harpo, Howlin’ Wolf, Lazy Lester, Charles Sheffield, Memphis Minnie, Frank Frost, Tabby Thomas et même d’Eddie Taylor, le répertoire est grassouillet, emmené au chant et à l’harmonica par Gaël Roul, rythmé par Yann Renoul à la basse et Cyril Durand à la batterie, et structuré par les guitares de Pierre Dubigny et Nicolas Deshayes, dont les styles complémentaires autorisent les échanges de solos. Le rappel se fait avec All night long de Clifton Chenier et c’est bien ça qu’on voudrait : que ça dure toute la nuit.
Deux jours après, le dimanche 5 décembre, nous sommes au Café Le Centre à Saint-Marc-sur-Mer pour voir Arnaud Fradin et Thomas Troussier en duo acoustique. Que dire qu’on n’ait déjà dit sur ce formidable duo ? Leur répertoire est subtilement érudit, évoquant entre autres Taj Mahal, Blind Willie Johnson, Muddy Waters, leur sensibilité musicale est au sommet, et leur complémentarité fait plaisir à voir. Arnaud chante et tisse la trame des morceaux à la guitare, laissant généreusement, et modestement, tous les solos ou presque à Thomas, lequel ne se fait pas prier pour partir dans des séquences extraordinaires de justesse et de feeling. C’est notamment le cas sur une formidable reprise du I know it was your love, pilier du répertoire de Malted Milk mais aussi ici en duo, avec deux incroyables solos de Thomas.
On retrouve Thomas Troussier à la Release Party du disque des Freaky Buds le 9 décembre au Michelet à Nantes. La première partie est assurée par le trio rock, guitare, claviers, batterie, Little Fat Liver, qui fait vite faire monter la température. Les vedettes de la soirée sont à bloc, on le devine dès les premières notes. Les quatre compères, Max Genouel, guitare et chant, Thomas Troussier, harmonica, Lonj, guitare et Hugo Deviers, batterie, sont contents d’être ensemble sur scène, face à, ou plutôt avec, un public acquis à sa cause. Le chant de Max est autoritaire, sa guitare est tranchante, celle de Lonj ronfle comme si Brewer Phillips était ressuscité, Thomas enfile les riffs qui tuent et les solos qui satellisent, et Hugo transforme sa batterie en tambours de guerre. Compositions, reprises de Big Lucky Carter, Hound Dog Taylor, R.L. Burnside, des Red Devils, le répertoire défile à toute allure, avec même un concours de danse pour gagner des exemplaires du disque “Hard Days, Fuzzy Night”. C’est le titre du premier clip issu du disque, She’s made of fire, qui forme le bouquet final de ce concert incandescent.
L’année 2021 se termine avec Greg Izor au Buck Mulligan’s, confirmant ainsi sa venue annoncée l’été dernier lors d’un concert en Dordogne. Il est cette fois-ci accompagné de Mig Toquereau à la basse, Matthieu Wanderscheid à la guitare, et Hugo Deviers à la batterie. Il y a ceux qui l’ont déjà vu et qui savent, et ceux qui n’ont pas encore eu cette chance et qui vont prendre une claque. Ce qui séduit avant tout chez Greg est son chant, proche de celui de James Harman, avec ce ton chaleureux, profond, ce côté traînant, cette gouaille, le tout étant remarquablement placé. Son jeu d’harmonica aussi, bien sûr, mais il ne prendra l’instrument qu’après avoir joué deux titres à la guitare dont Let the good times roll en ouverture. Lorsqu’il saisit son harmonica, c’est pour la ballade Maureen, qui ouvre ainsi la porte à un univers délicieusement sudiste qui va remplir le premier set.
À la guitare, Matthieu Wanderscheid montre l’étendue de son talent, mêlant blues et country avec grâce et légèreté. Le deuxième set commence avec l’instrumental au chromatique Rubie’s white light, avant de partir sur un boogie Magic Samien, occasion pour un nouveau solo de guitare très prenant. Une fois n’est pas coutume, Greg joue un titre de Little Walter, Last night, qu’il orne d’un beau solo au chromatique. Il invite ensuite Fabrice Bessouat à la batterie, Miguel Hamoum à la basse et Nicolas Deshayes à la deuxième guitare. My love is here to stay rappelle qu’il a succédé à Sam Myers aux côtés d’Anson Funderburgh, puis ce sera She’s about a mover du Sir Douglas Quintet, sa composition What it is avant un rappel seul à l’harmonica sur I love the life I’m living de Slim Harpo.
Un mois de décembre très bien rempli mais qui a déjà eu son lot d’annulations, à Nantes et ailleurs. De prochaines dates sont annoncées dès la mi-janvier au Zygo Bar, croisons les doigts.
Texte et photos : Christophe Mourot